Pépé
Assise à la table du café, l’air glacé dans mon dos et dehors Paris gris pour une heure encore avant les sifflets sur le quai, je dois trouver la voix, l’envolée qui tout à la fois dit « tu nous manqueras », « tant qu’il y aura encore l’un de nous pour se rappeler « toi » tu ne seras pas vraiment, définitivement là-bas », « l’amour ne meurt pas ».
On est montés, cousins et cousines, derrière la maison, dans le jardin et sous les bâches cherché les pommes de terre que nous ramassions chaque été tous ensemble dans le court champ un peu plus bas. Puis sortis de la courte remise, la pomme de terre choisie pour toi rouge, ni trop grande, ni trop petite, nous avons gagné ce tout au fond où les mûres grimpent, que nous venions chaparder exactement à la même heure, avant de dîner, alors que le soleil doucement décline. A., R., D. et Y. m’ont raconté alors comment hier, en descendant la même allée, un double arc-en-ciel les avaient tous accueillis une fois arrivés devant la maison. Et on a regardé le ciel en silence.
R. a évoqué le bruit du parquet grinçant de ta chambre sous tes pas que l’on entendait chaque soir de vacances depuis le lit tout contre la paroi nous séparant de ta chambre. Cela m’a rappelé les heures passées dans l’obscurité à attendre que Mémé vienne se coucher, la lumière du couloir en feu vert à Morphée. Devant les tomates du jardin, nous nous sommes souvenues ensemble des salades d’été et de ces cagettes pleines de fruits et légumes frais que tu préparais avec amour pour chacun d’entre nous. Cela m’a fait du bien, tu sais, de me souvenir à mon tour là où je croyais n’avoir rien à quoi me raccrocher. Tout à coup, tu étais à nouveau là, en moi, ces milles instants gravés plus ou moins nettement, des sentiments mêlés de couleurs plus que des scènes bien tournées, quelques clichés pris à un instant T et perdus dans l’immensité du souvenir. Aujourd’hui il me reste cet amour flou pour ce pays qui m’est pourtant étranger, cette manière de cuisiner héritée, qu’il faut surtout manger « la bonne sou-soupe » qui reste aujourd’hui encore au menu de bien de mes soirées, et les Kartoffel, le seul mot d’allemand sûrement que je ne saurais jamais. Le seul qui vaille la peine, puisque tout commence et tout finit autour des patates que tu as plantées et que nous avons ramassées comme autant de valeurs et de pistes héritées.
Aujourd’hui j’aimerais croire plus, croire davantage, croire que tu m’entends, croire que tu es là – et y songeant ce matin sous ma douche j’y trouvais l’idée on ne peut plus bizarre – mais je n’ai que cette croyance comme une infinie certitude à laquelle me raccrocher : tu vis en moi. Et ta vie éternelle aujourd’hui ta vie charnelle achevée réside en nous tous aujourd’hui rassemblés qui nous nous souvenons de toi. Nous tous en qui tu continueras à vivre de toutes les graines de gentillesse, d’humour, de justesse et de tendresse que tu y as planté. J’espère savoir dans ma vie comme toi, toujours réussir à reconnaitre l’essentiel et je terminerai par ce poème, comme un grand élan d’espoir :
« L’amour ne disparait jamais.
La mort n’est rien.
Je suis seulement passé dans la pièce à côté.
Je suis moi, tu es toi :
Ce que nous étions l’un pour l’autre,
Nous le sommes toujours.
Donne-moi le nom que tu m’as toujours donné.
Parle moi comme tu l’as toujours fait.
N emploie pas un ton différent.
Ne prends pas un air solennel ou triste.
Continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble
Prie, souris, pense à moi, prie pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison
Comme il l’a toujours été,
Sans emphase d’aucune sorte,
Sans trace d’ombre.
La vie signifie ce qu’elle a toujours signifié.
Elle est ce qu’elle a toujours été.
Le fil n’est pas coupé.
Pourquoi serais-je hors de ta pensée
Parce que je suis hors de ta vue ?
Je t’attends, je ne suis pas loin,
Juste de l’autre côté du chemin.
Tu vois tout est bien. »
*
Ceci est le texte que j’ai lu aujourd’hui dans la courte chapelle qui a accueilli ma famille endeuillée et il me semblait juste qu’il trouve sa place dans cet ici qui m’est si cher. Peut-être te fera-t-il sourire toi qui a aussi connu cette peine-là, peut-être réveillera-t-il quelques bons souvenirs qui ne demandaient qu’à resurgir, peut-être te fera-t-il aller rendre visite à ceux qui sont toujours là. Alors tout n’aura pas été perdu.
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Août 20, 2015 @ 04:10:25
Je te fais un immense bisou et t’envoie toutes mes pensées. Ton hommage est beau, très beau.
Août 23, 2015 @ 11:23:31
Oh merci Camille, tu n’imagines pas comme ton mot m’a touchée et fait du bien <3
A bientôt
Août 20, 2015 @ 07:23:47
Je ne sais que dire sinon que <3
Août 23, 2015 @ 11:22:57
Merci Alexandra, je suis tellement émue de te savoir là malgré les kilomètres <3 La famille internet est bien loin d'être un mythe, merci pour ta présence <3
Août 20, 2015 @ 08:21:43
Très émouvant, plein de pensées pour toi et ta famille.
Août 23, 2015 @ 11:22:00
Merci Lou <3
Août 20, 2015 @ 09:00:08
C’est un bel hommage que tu rends à ton grand père ! Merci de le partager avec nous :)
Août 23, 2015 @ 11:17:38
Merci pour tes mots et ta présence. J’ai l’impression d’avoir avec vous fondé une deuxième famille, toujours là pour moi. Et comme cette présence est précieuse en ces instants douloureux. Merci <3
A bientôt
Août 23, 2015 @ 21:11:34
:) Je suis contente que cette famille virtuelle puisse t’apporter beaucoup de bonnes choses! :)
Août 20, 2015 @ 09:26:05
Toutes mes condoléances :( C’est très beau ce que tu écris, je pense que ton grand père est au fond de ton coeur, et parmi les valeurs et croyances qu’il t’a transmis
Août 23, 2015 @ 11:16:23
Merci pour ton petit mot, il me touche beaucoup. J’espère réussir à être fidèle aux valeurs piliers qu’il m’a transmises tout au long de ma vie <3
A bientôt
Août 20, 2015 @ 10:29:20
Oh… toutes mes condoléances Célie. C’est un très joli texte, comme toujours, que tu as écrit là et c’est faire honneur à ton grand-père que tu as aimé et que tu aimeras toujours que d’avoir utilisé de si jolis mots. Des pensées à toi et à toute ta famille <3
Août 23, 2015 @ 11:12:18
Merci Florence pour ta présence et tes mots si réconfortants, ils m’ont fait du bien au coeur <3
A bientôt
Août 20, 2015 @ 12:33:29
Ton texte est magnifique Célie. Comme tu l’as fait pour moi il y a quelques mois, je t’adresse à mon tour toutes mes condoléances. Je peux ressentir ta peine immense. Encore touchée par la perte de ma mamie, ton article apaise ma douleur, toujours aussi vive. Mais je suis aujourd’hui plus sereine et apprends à accepter son départ. Je t’envoie toutes mes pensées, à toi, ta famille et ton pépé. Prends soin de toi <3
Août 23, 2015 @ 11:08:48
Merci Marie-Charlotte, ton petit mot m’a beaucoup émue. J’espère trouver au fil des jours, la même sérénité que la tienne à présent. Je suis encore dans cette période où tout est très lourd, chaque action demandant effort, volonté, concentration, jusqu’à la plus infime des tâches, où le quotidien pèse très lourd. Alors j’apprends la patience et la lenteur, je fais, à mon rythme. Peut-être est-ce la plus importante des étapes dans l’apprentissage de la patience un peu perdue aujourd’hui que tout va vite.
Je t’envoie à mon tour toutes mes pensées <3
Août 20, 2015 @ 13:18:53
Se souvenir des moments heureux et lui dire tout ton amour comme tu l’as fait est vraiment le plus bel hommage que tu pouvais faire à ton grand-père.
Je t’envoie toutes mes pensées, bon courage à toi et ta famille pour ces moments difficiles.
Août 23, 2015 @ 11:04:23
Merci Mylène <3 Ton petit mot me touche beaucoup <3
A bientôt
Août 20, 2015 @ 14:13:59
<3 Beaucoup de souvenirs ressurgissent d'un coup ….Merci et à très vite
Août 23, 2015 @ 11:03:51
Merci à toi pour tes mots comme une petite trace de ton passage sur ces lignes <3
A bientôt
Août 20, 2015 @ 16:29:19
Ton texte est vraiment beau, le poème parfait. Je vous souhaite beaucoup de courage pour traverser cette épreuve…
Août 23, 2015 @ 11:03:13
Merci Sarah <3
Août 21, 2015 @ 08:21:18
Bonjour Célie…
Merci pour ce partage.
Merci de t’être ouverte à nous, et d’avoir écrit cela, ici.
Tu ne peux imaginer à quel point ton article tombe à merveille sur mon chemin, aujourd’hui…
Je t’envoie mes plus douces pensées.
Août 23, 2015 @ 11:03:00
Merci Mélanie, pour tes mots et ta présence. Je souhaite que mes mots n’aient pas trouvé une résonance actuelle dans ta vie et que ton chemin ne connaît pas actuellement, les mêmes secousses, les mêmes fossés.
A bientôt <3
Août 21, 2015 @ 22:25:29
C’est très émouvant, superbe texte et le poème est tellement juste. Il me fait remonter tellement de souvenirs, j’en ai les larmes aux yeux. Toutes mes condoléances, bon courage pour cette épreuve.
Août 23, 2015 @ 11:00:57
Merci Lucie <3 Ton petit mot me va droit au coeur...
A bientôt
Août 22, 2015 @ 12:10:40
Ta démarche et tes mots font écho en moi, me projettant en d’autres temps, d’autres personnes et d’autres lieux, mais avec une même douleur partagée. Ma pudeur telle un frein, en conflit avec ma confiance envers la justesse de tes paroles, a retardé la lecture de cette publication qu’il aurait été dommage de laisser passer sans lui accorder l’intérêt qu’elle mérite, que TU mérites. Tout n’es pas perdu. Bises
Août 22, 2015 @ 12:15:16
Le « es » final, verbe être conjugué à la deuxième personne du singulier, tel un lapsus révélateur, tellement mes mots te sont destinés à toi, personnellement.
Août 23, 2015 @ 11:00:15
Merci pour tes mots, merci pour ta lecture et ta présence. J’espère que la prochaine fois que nous échangerons ce sera dans de plus douces circonstances :)
A bientôt :)
Août 24, 2015 @ 16:13:26
J’arrive un peu tard déposer des mots ici, ils seront peut-être maladroits, mais je tiens à te dire que j’ai pensé très très fort à toi, que j’ai souhaité de tout cœur que tu trouves le courage nécessaire pour affronter cette épreuve… Et ce magnifique hommage le montre, avec beaucoup de justesse et de simplicité… Je continue de t’envoyer de douces pensées, prends bien soin de toi.
Sep 01, 2015 @ 16:21:41
Merci Camille, les mots ne sont jamais en retard ni la gentillesse. Merci pour ta présence et ton soutien, ils comptent beaucoup.
A bientôt !
Août 25, 2015 @ 14:18:47
Il n’est jamais trop tard, du moins je l’espère.
Tes mots m’ont beaucoup touchée. Il n’est jamais aisé de laisser partir ceux que l’on aime. Mais au détour de souvenirs, il est essentiel de savoir qu’ils continuent à vivre en nous, d’une autre manière.
Je pense bien fort à toi dans ces instants que je sais douloureux, au cours desquels on voudrait pouvoir remonter le temps.
Courage Célie et merci pour ces mots émouvants.
Sep 01, 2015 @ 16:18:13
Merci Marie, pour tes mots, ta présence, cela compte beaucoup. Ton mot m’a beaucoup touchée lorsque je l’ai reçu il y a quelques temps maintenant et il m’a tout autant émue aujourd’hui que je le relis.
A bientôt !
Août 26, 2015 @ 08:01:17
Ton article m’a beaucoup touché Célie… J’ai perdu ma grand-mère il y a bientôt 2 mois, malheureusement je n’étais pas aussi proche d’elle que tu as pu l’être de ton grand-père. A son enterrement, une personne a lu un texte qui ressemble beaucoup au tien à la fin de ton article. Il disait que la mort n’est qu’une étape mais qu’elle est toujours la même et qu’elle est toujours là avec nous.
Je pense en effet que si tu penses toujours à lui, il sera toujours vivant en toi. C’est une belle image.
Je te souhaite toutes mes condoléances à toi et à ta famille.
Courage.
Sep 01, 2015 @ 16:11:33
Merci Anne-Cha, ton petit mot m’a beaucoup touchée.
Je t’envoie plein de douceur et de réconfort, ces épreuves nous marquent durement, quelque soit le lien existant
A bientôt <3
Sep 01, 2015 @ 12:40:43
Je n’ai pas été beaucoup la par ici mais <3 <3 (et puis Célie, tes mots, c'est un si bel hommage)(ton article résonne en moi comme en beaucoup, et me dit de profiter profiter profiter encore et encore, et merci pour cette piqure de rappel)
Sep 01, 2015 @ 15:27:00
Merci Fabienne <3 Pour tes mots, ta gentillesse et ta présence car même avant ceux d'aujourd'hui, même de loin, je sais qu'on se serre les coudes et ça n'a pas de prix. Les belles amitiés sont ainsi.
A bientôt et, oui, profite <3
Sep 14, 2015 @ 21:58:26
Un magnifique article. Te lire m’a beaucoup touchée. J’ai choisi ce même poème pour ma grand mère et j’aurais aimé avoir pu écrire quelque d’aussi honorable que ton écrit.
Sep 16, 2015 @ 21:47:39
Merci pour ton petit mot, il m’est allé droit au coeur. Chacun de nous a je crois sa manière propre de rendre hommage aux personnes parties et de vivre son deuil, il ne faut rien se reprocher. L’écriture de ce texte n’a certainement pas été une chose facile, il est né dans les toutes dernières heures qu’il restait avant l’enterrement et jusqu’au seuil je croyais que c’était ce poème seul que je lirais. Je crois qu’il ne faut rien forcer, peut-être les mots te viendront-ils plus tard, dans ton coeur, peut-être ne viendront-ils jamais, je crois que l’amour n’a pas besoin d’eux pour être tangible, beau et suffisant.
Je t’envoie plein de douceur :)
A bientôt :)