Les sourires de la reprise
De retrouver l’appartement et je m’y suis trouvée attachée. Attachée à toutes les habitudes qui sont venues se nicher autour de lui, de la petite supérette où l’on s’arrête avant de rentrer au parc dans lequel on aime déambuler jusqu’à la route faite de trottoirs et d’angles auxquels il ne faut pas se tromper pour joindre chez moi à chez lui comme autant de chez nous. Soudain, je me découvre – presque surprise – aimer très fort cet appartement quelconque qui n’avait jamais été pour moi avant que présence invisible – pièce dans le décor et soudain réceptacle conscient de tous ces souvenirs à chérir. L’aimer tout d’un coup au-delà de la moquette abîmée qui me fait éternuer, de la cuisine étriquée, de la salle de bain dans la pénombre et du WC non séparé, de ces imperfections objectives rendues transparentes. Et comme une évidence, mettre des mots et le dire que je m’en fiche autant que ça importe – ce chez nous joli – que chaque chose vient en son temps mais que je ne troquerais pour rien ce qu’on construit ici, petit à petit, construction étrangère et pourtant imbriquée dans ces murs qui lui assurent le début d’un foyer. Formuler au creux, d’un sourire à ces murs, la muette évidence que de construire et d’aimer, d’être heureux avec tout ce que ça a de plus simple et d’infiniment compliqué ne repose pas sur surface ou luminosité. Et que cet ici, même étriqué, a plus de sens que tous les endroits où j’ai eu la chance d’avoir un toit, d’un seul Lui & Moi.
Prendre le métro pour le rejoindre à la gare et ne pouvoir rien faire, rien regarder de tout le trajet hormis trépigner
Sur le quai attendre sur la pointe des pieds et comme chaque fois me laisser prendre au piège des trains qui bifurquent et font taire l’espoir de gagner – une, deux minutes – sur l’heure des retrouvailles.
Sourires d’au loin – moi qui l’aperçoit enfin, lui qui me découvre au creux de la foule – la demie-surprise de bonjours avancés et d’un trajet jusqu’à chez nous partagé. Une poignée de minutes pour finir de rentrer.
Retrouver l’odeur étrangère que sa peau prend dès plusieurs jours passés sans se voir puis la voir s’effacer en une journée pour laisser revenir celle que je reconnais pour sienne et qui est pourtant nôtre.
Retrouver à la faveur d’une journée grise le plaisir de se réfugier – le temps d’un film – dans la salle obscure du cinéma si proche qu’on peut s’y rendre à pied.
Cuisiner mon granola préféré et entendre l’amoureux répéter « mais comment tu fais pour aimer ça ? »
Goûter le frappucino glacé – même s’il fait trop froid – vanille-citron-crème fouettée du Starbuck.
Retrouver la douce habitude de petits mots qui volent sur la journée et dessinent le programme de la soirée comme autant de plaisirs retrouvés avec le temps qui même à Paris, ralentis.
Une salade composée avec du jambon cru, 1/2 mozzarella, de la roquette, des tomates cerises et plein de copeaux de parmesan. Un peu d’huile d’olive, du velour de balsamique, du goût Maggi, fermer les yeux et se presque croire en Italie.
Retrouver l’odeur de nous et de lessive mélangée aux draps qui berce et rassure comme aucune autre jusqu’à Morphée.
L’amoureux qui des courses ramène mon pain préféré et de l’huile d’olive bio. Bio pour me faire plaisir parce qu’il n’y croit pas trop. M’arrêter à la boulangerie avant de rentrer pour acheter sa pâtisserie préférée. Les petites attentions souriantes.
Des crêpes en dessert.
Se chamailler pour savoir quel sera le film de la soirée.
Sourire dans l’air frais de la nuit parisienne retrouvée, sur les trottoirs de ma rue, et la douceur de me dire et me sentir « rentrée et à ma place ».
La chanson du réveil et pour premier souvenir du matin tes bras autour de moi.
*
Ce soir, la vie toque à la porte et réclame son dû, ma famille au seuil de chapitres troubles, partagés entre crainte, peur, douleur, espoir et mélancolie, autant de souffrances à venir qui lui ont été – pour un temps – épargnées. La distance, ce soir, est cruelle et salvatrice. Et parce que je crois que le plus grand pied de nez que l’on puisse faire à la mort, à la maladie, à la souffrance c’est de danser, aimer, vivre – plus fort, trop fort s’il le faut, jusqu’au bout, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la fin des chances – et d’user chaque instant, envers et contre tout, ici restera ici, léger et souriant, comme autant de bouteilles à la mer dans l’espoir de demains miséricordieux. Aujourd’hui plus que jamais je crois à l’urgence de chérir plus fort que tout les sourires, les cultiver, les cueillir, leur accorder toute la place. Je prends chaque plaie comme autant de rappels que la vie est aussi belle que fragile, impalpable et qu’il n’est rien pour nous protéger de son impermanence ni rien pour s’y habituer, s’y préparer que de faire durer, encore et encore, tout ce qu’elle peut nous apporter, en nous et autour de nous.
Merci d’être là.
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Juil 31, 2015 @ 08:56:22
<3 qu'ils sont jolis tes sourires de reprise, vous êtes heureux, tout simplement, et cela transparaît si bien dans tes mots. (J'ai goûté le frappucino dont tu parles, une bonne surprise car j'étais un peu dubitative, mais tentée, par ce mélange vanille / citron).
Te lire est toujours si doux et agréable. :)
Et puis, courage <3 pour les bouleversements et les nuages noirs.
Juil 31, 2015 @ 17:40:55
Merci Céline pour tes mots, ils me touchent et me font du bien tu sais :) Et pour le duo vanille-citron, je l’aime depuis longtemps et je regrette qu’on ne sente pas encore plus le citron dans cette boisson ! (mais je ne suis pas objective en matière de goût citronné, pour moi il n’y a jamais trop de citron dans un plat !)
A bientôt !
Juil 31, 2015 @ 09:08:01
Très touchant… Comme à ton habitude. Merci de partager tout ça avec nous.
Juil 31, 2015 @ 17:35:52
Merci pour ton petit mot Chiara, il me va droit au coeur <3
Juil 31, 2015 @ 09:48:45
De jolis sourires et de beaux moments à chérir. :)
Juil 31, 2015 @ 17:35:21
Le plus fort possible <3
A bientôt !
Juil 31, 2015 @ 10:01:56
Courage à toi et ta famille surtout, prenez soin de vous <3
Juil 31, 2015 @ 17:34:47
Merci Caroline :)
Juil 31, 2015 @ 10:30:49
Une belle plume, une grande écrivaine ! Ce blog est certainement mon préféré :)
Juil 31, 2015 @ 17:34:29
Oh merci Justine ! Ton petit me touche énormément <3
Juil 31, 2015 @ 12:33:32
Bon courage, comme je peux comprendre ce que tu dis… alors oui, saisir et apprécier tous les beaux moments, même les plus petits détails… c’est bien ça la vie :)
Juil 31, 2015 @ 17:33:43
Merci Virginie <3
Juil 31, 2015 @ 20:55:00
Magique, c’est ce qui résume ton article <3
Août 07, 2015 @ 12:11:41
Merci <3
Août 01, 2015 @ 06:40:39
Et merci à toi de partager ces si doux moments.
Je t’envoie toutes mes pensées pour ces moments difficiles.
Août 07, 2015 @ 12:11:30
Merci Alexandra, ton petit mot me va droit au coeur <3
Août 10, 2015 @ 21:53:50
Merci de tes jolis mots qui donnent envie d’être amoureuse.
Pensées positives pour les moments délicats que tu traverses…
Août 23, 2015 @ 11:54:33
Merci Cécile <3 Tes mots me touchent <3
A bientôt !
Août 26, 2015 @ 20:51:42
Que de douceur et d’amour dans ces mots, et je le dis, le répéterai et le dirai encore, mais aimer encore plus fort, toujours plus fort, toujours trop fort <3 <3
Sep 01, 2015 @ 15:55:58
<3