Sourire à ce moi qu’on malmène
Minuit. Je suis assise entre les draps, les yeux fermés, le dos bien droit – inspiration, expiration, inspiration, expiration – je souris alors que mon corps tout entier commence à se relâcher. Désormais attentive, le silence respecté soudain se met à bruisser des bruits noyés habituellement dans le mouvement. La rumeur de la rue étouffée par volets, vitres et rideaux, le bruit de l’eau dans les canalisations un robinet ouvert dans l’appartement voisin, le murmure régulier du réveil posé sur le meuble à côté, l’ascenseur qui danse et redescend au rez-de-chaussée.
Il y a les séances guidées, celles qui apprennent à mieux écouter – m’écouter – et puis il y a celles-là, en roue libre, où je ne suis plus qu’avec moi. Quelques minutes de gentillesse tournée vers soi. Je (me) souris, cette idée merveilleuse volée à l’un de mes films préféré – Mange, Prie, Aime – dans un grand processus de réconciliation avec moi-même. Une réconciliation avec tous ces petits défauts que je juge sévèrement dans une guerre contre moi-même injuste, inutile et sans mercie. Chaque soir et à chaque fois que j’y pense – dans la rue, au travail, dans le métro, au supermarché, en courant, au restaurant – je me souris, scandant en silence une toute petite phrase contrant un défaut, celui qui me pèse dans le présent du moment. Si je me sens fragile, je me répète que je suis forte, si je doute, je murmure que je vais y arriver, si mon apparence me fait souffrir, je souris que si si, je suis jolie. J’apprends ainsi à me regarder comme le font ceux qui m’aiment, petit à petit.
Cela fait maintenant longtemps que je fais partie des convaincus de l’impact de notre manière de penser sur notre bien être, notre façon de nous voir, de nous vivre et donc d’agir. Et je pense que c’est la leçon majeure que la pratique de la méditation m’a apprise : toutes ces pensées qui transitent, ces angoisses, ces anticipations, cette incursion du jugement contre soi et contre les autres ne sont pas des vérités. Mais pourtant, à force de les entendre à longueur de journée, elles finissent par nous faire souffrir et devenir des réalités car convaincus que oui je ne suis pas assez ceci et il va se passer ça et oh lalala ça ne va pas aller du tout du tout, nous modifions notre manière de nous comporter. On commence à avoir peur de montrer ce moi si faible, si insuffisant aux autres, peur d’être jugés, peur qu’ils voient « la réalité ». Avoir une mauvaise estime de soi dresse des barrières et nous empêche d’avancer. On dépasse le doute légitime, celui qui permet de se remettre en question, de progresser, celui qui ne touche qu’une toute petite partie de notre moi, c’est le « nous » dans son entièreté dont on se met à douter. Alors puisque cela marche dans un sens – Je me dis que je suis nulle > je me sens et me vis nulle – pourquoi ne pas retourner le mécanisme à notre avantage et utiliser l’auto-persuasion ?
Cette astuce des phrases que l’on se répète jusqu’à les croire et les rendre réalité je l’utilisais déjà lorsque je préparais des concours, lorsqu’en plus de travailler d’arrache-pied il était vital que je crois dur comme fer en ma capacité de franchir victorieuse la ligne d’arrivée. Aujourd’hui, j’ai refait de cet outil un petit exercice au quotidien, lorsque j’y pense, lorsque le calme revient d’aller contre cette petite voix qui s’horrifie du fantôme d’une réalité d’autrefois, cette petite voix qui amplifie jusqu’à nier la réalité qui n’est jamais si sombre que ce qu’elle veut nous faire voir. Une petite phrase scandée pour réapprendre à se regarder avec bienveillance, justesse et gentillesse. Une petite phrase pour se reconnecter à sa réalité, l’apprécier à sa juste valeur plutôt que de toujours mettre en exergue sa part de noirceur. Une petite phrase pour rééduquer son regard et se convaincre, se persuader, que c’est elle qui nous dit la vérité. Une petite phrase pour répondre à ce penchant de toujours nous critiquer intérieurement, cet auto-sabotage devenu réflexe, anodin alors qu’il entérine pourtant nos complexes, nos douleurs, ces menues blessures d’un moi peu sûr de soi qui nous font tant souffrir au quotidien.
Et vous, avez-vous fait la paix avec vous ?
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Mar 15, 2015 @ 19:55:54
Ah, ces pensées qui nous malmènent… Au lieu de s’y attacher, de croire qu’elles sont la vérité, simplement leur permettre d’exister, d’être là, et les laisser passer… Pas toujours facile, cela demande du temps, de la patience, de la bienveillance.
Je me retrouve dans tes mots, tu dois t’en douter… J’essaie très fort de faire la paix, la sophro m’aide beaucoup, évidemment. Avec cette idée de renforcer mes capacités (dont la confiance), mes ressources. De voir les choses telles qu’elles sont, et non comme je crois qu’elles sont…
Parfois, nous sommes si durs avec nous-mêmes… Alors qu’il nous semblerait tout à fait incorrect qu’une personne parle d’une autre avec de tels mots, de tels jugements, ceux que nous nous adressons pourtant.
Apprendre à nous accepter, tel que nous sommes, et tout doucement commencer à nous apprécier et à comprendre (enfin) ce que les êtres qui nous aiment peuvent bien nous trouver ! Ce sont des découvertes sur nous-même qui n’en finissent pas de nous nourrir, de nous enrichir…
Mar 17, 2015 @ 19:47:02
Oui ! Jamais je ne tolérerais de parler (ou que l’on me parle) si durement ! si méchamment. Car parfois c’est bien de cela qu’il s’agit, de méchanceté, de cruauté même.
« comprendre (enfin) ce que les êtres qui nous aiment peuvent bien nous trouver » – et se regarder tels qu’eux nous regardent… je crois que j’y arrive, petit à petit. Même s’il y a des rechutes encore parfois :) N’est-ce pas le travail de toute une vie finalement ?
Mar 15, 2015 @ 19:56:05
Pas encore tout à fait, mais j’y travaille tous les jours :)
Merci pour cette jolie piqûre de rappel très bénéfique,
Célesine
Mar 17, 2015 @ 19:41:40
<3 (merci à toi pour ce petit mot adorable)
Mar 15, 2015 @ 20:26:14
C’est si joliment écrit … Cette voix intérieure qui me terrifiait, je ne l’écoute plus depuis longtemps. Ca fait un bien fou !
Myriam
Mar 17, 2015 @ 19:41:21
Voilà ! Bien fait pour elle ! Merci pour ton petit mot enjoué ! :)
Mar 15, 2015 @ 21:14:36
C’est mon gros problème ça…me déprécier tout le temps, me sentir nulle en permanence. Et à force de me dire que je ne peux pas y arriver, je n’essaye même plus. C’est dur, comme manière de penser, et je me rends compte aujourd’hui que ça m’empêche d’avancer comme je le voudrais… Et cet article, si joli et si vrai, me rappelle que je ne suis pas la seule, et surtout, me dit qu’il y’a une solution… Je vais essayer, moi aussi, de me sourire à moi même. Merci pour tes posts toujours positifs et pleins de belles ondes.
Mar 17, 2015 @ 19:40:51
Oh, merci à toi <3 Ton petit mot me touche et me peine aussi, ça m'arrive encore parfois, de refuser quelque chose, persuadée que je n'y aurais pas ma place, de m'autocensurer... Alors qu'en fait... c'est n'importe quoi ! Je te souhaite d'arriver, petit à petit, à poser un regard plus doux et plus juste sur toi. Et te sourire avec énormément de bienveillance :)
Mar 16, 2015 @ 09:04:49
Magnifique article, qui décrit très bien l’intérêt de la méditation!
Mar 17, 2015 @ 19:37:51
Merci !! <3
Mar 16, 2015 @ 11:24:59
Merci pour ce joli article … Je pratique également la méditation depuis quelques années, ça m’apprend à faire la paix avec moi-même petit à petit =) ! Parfois mes angoisses viennent frapper à la porte alors je doute, puis je me remets encore plus dans la méditation,je m’accepte avec mes peurs et la paix revient doucement !
Et puis je suis fan de Mange Prie Aime également ;) (livre et film) !
Continue à pratiquer ce sourire intérieur !!! =)
Sarah
Mar 17, 2015 @ 19:37:41
Je n’ai pas encore lu le livre… mais après avoir écouté un discours Ted de son auteure, je suis convaincue qu’il faut à tout prix que j’y remédie ! Merci pour ton petit mot (et ce rappel !) :)
Mar 16, 2015 @ 14:08:11
Oui, j’ai récemment fait la paix avec moi-même et comme çà fait du bien … ! Maintenant, je voudrais trouver le moyen de permettre à mon fils de le faire aussi, car étant atteint de dysphasie, il est confronté quotidiennement à des frustrations, des moments parfois humiliants ou vexatoires, et çà a complètement entamé sa confiance en lui-même. Je voudrais tellement l’aider mais je n’ai pas encore trouvé comment.
Mar 17, 2015 @ 19:36:16
Tu trouveras. Je suis certaine même, que malgré ton sentiment de ne pas savoir comment t’y prendre, cette façon de l’aider, tu l’as déjà trouvée. Ne serait-ce que par ton soutien, ta gentillesse à son égard, l’absence de jugement ou « d’importance » accordé à ses difficultés. Tu l’aimes tel qu’il est, malgré ce qui le fait souffrir au quotidien et je crois que cette certitude là, c’est la plus belle arme que tu puisses lui offrir pour la vie.
Plein de courage à toi comme à lui :)
Mar 16, 2015 @ 23:32:06
Superbe article qui résonne tellement à mes oreilles. Je te souhaite pleins de jolis & tendres sourires :)
Mar 17, 2015 @ 19:33:38
Merci ! <3 Je te souhaite exactement la même chose ! :)
Mar 16, 2015 @ 23:55:56
J’ai découvert ton blog il y a quelques jours et j’aime beaucoup la douceur qui s’en dégage, je vais prendre le temps de le parcourir davantage. Ton article me parle, je suis aussi convaincue que les pensées sereines et positives emplissent de bonne énergie. Tu parles phrases scandées et cela m’a fait immédiatement pensé à une phrase que j’utilise: lors d’un cours de yoga nous avions « pratiqué » le mantra « la paix commence avec moi » (en l’associant à un mouvement des doigts): ça marche et c’est magique, j’y reviens très régulièrement dans la vie de tous les jours, dès que je ne gère plus une émotion et ça fonctionne: nous sommes acteurs de notre manière de nous percevoir et de percevoir ce qui nous entoure. Quand on parvient à intégrer cela c’est fabuleux :-)
Mar 17, 2015 @ 19:33:09
Tout d’abord : merci ! … et Bienvenue ! J’adore cette idée, cette astuce à glisser dans le quotidien. C’est la grande respiration en plus « actif » et donc certainement plus efficace. Souvent, lorsque la tension monte, il suffit d’une personne qui redescend un peu pour alléger l’atmosphère et y voir un peu plus clair.
Mar 17, 2015 @ 02:11:43
Merci de tes mots si doux ils font raisonnance avec ma conversation du jour avec une belle personne, il y’a nous même et toutes nos facettes et c’est juste en changeant notre façon de voir ces facette en l’acceptant en voyant cette force et ces apports qui nous font grandir et aller vers la bienveillance.
Mar 17, 2015 @ 19:30:03
J’aime bien cette métaphore des facettes. Nous sommes tous de curieuses boules disco. Et comme elles, selon que l’on en laisse certaines dans l’ombre ou la lumière, on ne scintille pas de la même manière. La lumière symbolisant le regard que l’on pose sur soi, tout fait sens :) Merci pour ton petit mot ! :)
Mar 17, 2015 @ 10:43:18
Merci Célie pour cette belle réflexion ! On oublie trop souvent de prendre soin de soi même alors que c’est le départ de toutes les belles choses que l’on peut vivre.
Mar 17, 2015 @ 19:24:42
C’est tellement vrai ! On est capable de se gâcher la plus belle des journées rien que par le fait de se poser trente-six fois la question de ce à quoi on ressemble et ah non, surtout pas une photo, et oh mon dieu les gens doivent me regarder et penser ça, se dire ça… alors qu’au final, la seule personne qui prête attention à ces détails, c’est nous-même ! Et pendant ce temps-là, la vie passe et les bons moments s’en voient gâchés, en nous et parfois même autour de nous (car la tristesse rend parfois agressif, sur la défensive, peu à l’aise, peu spontané…)
Merci pour ton petit mot ! C’est tellement bon de te lire ici en te sachant si loin ! <3
Mar 18, 2015 @ 11:53:32
Je suis aussi positive dans l’âme et je dois faire le même travaille de pensée positive… Et j’ai ajouté récemment la méditation qui m’aide aussi bcp.
Bonne continuation jolie jeune fille
Sep 18, 2015 @ 22:43:46
Chez moi, cela dépend des moments. Il y a des moments où je me sens une sous-minable, qui ne mérite pas ce qu’elle a (un boulot sympa, un mari aimant, un bébé adorable et adoré, des amis fidèles, bref une fille qui a tout ce qui faut pour être heureuse dans la vie) et d’autres périodes où je crois en moi, en mes capacités, en mon potentiel. Mais cette confiance est fragile : au moindre coup de vent un peu fort sur l’édifice, le château de cartes s’écroule et il faut recommencer. Alors, j’ai aussi mis en place ma petite phrase : « Tremble mais fais-le » pour m’obliger à avancer coûte que coûte, malgré la peur qui paralyse. Cette phrase, je l’ai écrite sur une feuille et je l’ai affichée dans ma chambre.
Sep 18, 2015 @ 23:03:05
Je connais cette alternance… Le module « Self Esteem » d’Headspace que j’ai suivi cet été (j’en parle dans cet article http://missblemish.fr/rayures-place-massena/) m’a aidée à trouver un peu plus de stabilité et des vagues d’amplitude un peu moins grande mais c’est allers-retours sont naturels et en proportions gardées probablement sains puisqu’ils nous permettent aussi de nous remettre en question. S’ils ne nous empêchent pas d’avancer, alors, c’est tout gagné !
Belle soirée !
Jan 02, 2016 @ 00:03:59
J’adore ton mantra Sofia !
Jan 08, 2016 @ 10:53:35
(moi aussi <3)