Slow Travel, abandonner le FOMO en voyage
J’ai bien souvent bataillé en voyage à décider qui de l’urgence de profiter selon les critères établis ou de profiter selon mes préférences je devais choisir et suivre. Il y a quelque chose de rassurant à parcourir une ville ou quelques unes de celles d’un pays au fil de ses points phares : le nombre de visites objective le temps passé ici comme un rite de passage fait de tickets de musées, de bateaux et d’attractions. Pouvoir ainsi égrener l’immanquable au bout de ses doigts allège pour un peu la culpabilité qui pourrait poindre – à l’heure de rentrer – à l’idée de n’avoir – peut-être – pas profité assez. Ce sont de minces totems que tous ces bouts de papiers disant le temps et tout ce qui s’y est passé. Autant de totems bien utiles au moment de répondre aux « alors, qu’est-ce que vous avez fait ? » des retours de vacances.
Pourtant si parfois je me dis encore « nous aurions pu en faire un peu plus », à force de voyages j’ai appris que de ces totems je n’avais pas vraiment besoin pour apprécier vraiment un voyage et même qu’ils pouvaient être insuffisants à assouvir ce que j’espère y trouver. Au fil d’entre eux, j’ai compris qu’il y avait autant de manières de « bien » voyager que de voyageurs sur les routes et autant à vrai dire que de sensibilités, de centres d’intérêts et de buts recherchés au voyage.
Lorsque je voyage, j’aime découvrir son quotidien, j’aime « habiter » la ville le temps de mon séjour comme si je devais y rester pour toujours – ou en tout cas pour bien plus longtemps que quelques jours. Apprivoiser les transports en communs, apprendre quelques mots de la langue du pays visité, déchiffrer les étiquettes du supermarché, découvrir de nouveaux produits et de nouvelles saveurs, habiter dans un vrai « chez quelqu’un », faire les courses et à manger, marcher énormément dans toutes les petites rues, découvrir la ville en m’y perdant, écumer les librairies le nez en l’air et m’asseoir, lire, écrire, rire, refaire le monde dans ses cafés, ses parcs et sur ses bancs. Regarder tout là-haut très haut les façades colorées, en briques, peintes ou monochromes, interroger la taille des fenêtres, me rêver dans ce salon derrière cette bow window, me dire qu’il serait doux d’habiter dans cette rue, venir courir dans ce parc, promener un chien le long de ce canal tous les matins.
Cette envie se transcrit depuis longtemps dans ma manière de préparer mes voyages. Si j’achète guides et cartes, l’essentiel de mes recherches – même si elles sont parfois succinctes par nécessité – tourne autour de l’Histoire du pays, de ses habitants et de la ville dans laquelle je me rends. Les codes, les coutumes, les traditions, ce en quoi les gens croient là-bas, les événement fondateurs, autant de petits indices qui tissent le fin maillage qui relie chacun à l’endroit où il vit, pense, aime, pleure, rit. Et si bien sûr je passe en revue les points culturels immanquables, passée l’architecture, la perspective de voir un tableau de Vermeer ou de Chagall ou une exposition photo, peu me font autant trépigner d’impatience que l’idée de tout simplement être là-bas à marcher anonyme dans une rue « comme si » et à y déchiffrer son langage. De la même manière, depuis longtemps je laisse au hasard restaurants et petits cafés, préférant le hasard d’une ambiance qui me dit d’y entrer à un trajet entièrement planifié au seuil de la journée réduisant les chance d’imprévus joyeux comme autant de chouettes découvertes. Alors je survole les articles de bonnes adresses pour en retenir quelques noms qui fassent tilt s’ils croisent ma route mais rarement je m’en sers pour aller vraiment à un endroit désigné volontairement.
Mais jusqu’à ce dernier voyage, j’ai eu du mal à m’écarter des sentiers battus et si déjà je préférais faire un immanquable « vraiment » plutôt que d’en survoler une myriade en me pressant, ils continuaient de prendre le pas sur le temps moins structuré du plaisir simple de se balader sans autre but que d’explorer le quotidien d’un quartier. Amsterdam m’a beaucoup facilitée la tâche dans ce grand saut puisque j’en avais déjà arpenté les rues et quelques immanquables lors de ma première découverte de la ville il y a 3 ans. La pression de rentabiliser le temps que je savais compté était donc moins forte cet été. Et avec l’amoureux nous avions envie de la même chose : nous balader et découvrir la ville comme on le fait chaque week-end avec Paris au fil des kilomètres engloutis. Ces neufs derniers jours nous avons donc énormément marché, fait des courses et à manger, appris à déchiffrer quelques mots clés sur les cartes des restaurants croisés, appris quelques mots de néerlandais répétés au fil de nos rencontres et déductions de mini enquêteurs de la langue, préparé chaque matin nos sandwichs mangés tout au bord des canaux et testé chaque soir une nouvelle adresse à délices d’Utrechstraat dont une balade le premier jour l’avait désignée « rue officielle des restaurants qui seraient testés ». Nous nous sommes assis dans tout plein de petits cafés croisés, goûté d’innombrables chai lattes, bu des yaourts glacés parfumés et profité de la douceur de l’après midi pour nous promener le long d’un parc et lire sur ses bancs. Nous nous sommes enlacés un nombre innombrable de fois dans un nombre innombrable de rues, dit mille fois notre chance et sourit à la douceur de ces vacances – nos premières à l’étranger ensemble – comme des grands. C’était très doux, confortablement lent et chaque journée touchante de nous être permis de la remplir de ce dont nous avions vraiment envie.
Je trouve ça tout doux de s’offrir cette liberté contre ce qui nous est conseillé, d’en prendre et d’en laisser pour ne garder que ce qui nous fait sourire et sautiller d’impatience. Aussi doux qu’il peut être de se laisser emmener par quelqu’un qui connaît la ville et saura nous transmettre ses immanquables avec son regard enjoué, j’aime l’idée de pouvoir m’éloigner un peu de cette pression à « profiter objectivement » pour lui préférer celle de profiter avec ma sensibilité et mes envies du moment. Ne pas me forcer à faire un musée sous prétexte que je suis ici et que ce serait bête d’en rater l’opportunité, ne pas me forcer à une longue journée si je suis trop fatiguée. Finalement, tout simplement, m’écouter. Nous écouter. Et ainsi apprendre peu à peu et toujours un peu mieux la bienveillance en voyage là où le temps compté peut la rendre si vulnérable et compliquée.
Et vous, vous y arrivez à abandonner le fomo en voyage ?
Ps (et sourires grands grands grands) : je vous parle de voyages dans le dernier numéro du National Geographic Traveler, on se retrouve là-bas ?
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Juil 19, 2016 @ 23:26:27
Ton écriture est délicieuse et ton d’état d’esprit…arf ! J’adore ton blog et ta vision des choses. C’est à chaque fois un bonheur de te lire :) Merci à toi !
Je te souhaite une douce soirée
Lorene
Juil 24, 2016 @ 22:06:45
Oh merci Lorene, je suis vraiment touchée par ton petit mot <3
Douce soirée et à très bientôt ! :)
Juil 20, 2016 @ 06:52:35
Cet article résume parfaitement l’essence de ce que je recherche en voyage. C’est drôle, car c’est moi aussi à Amsterdam qu’il m’a semblé la toucher du doigt, aidée également par un premier séjour dans la ville qui rendait déjà mes déambulations plus évidentes. J’achète toujours un (ou des) guide(s), avant de partir, je n’arrive pas encore à m’en passer (et ne suis pas sûre d’en avoir envie d’ailleurs) mais rien ne me plaît plus que de réussir à le garder en poche au fil de la journée, et, cerise sur le gâteau, quand des touristes me demandent un renseignement, je suis au firmament. Non pas que je sois capable de leur répondre (bien que cela soit arrivé), mais ça veut surtout dire alors que j’ai réussi à me fondre parmi les habitants, à marcher dans la ville comme si j’en faisais partie depuis des années.
Je te souhaite une belle journée !
Juil 24, 2016 @ 22:34:30
Je crois que cela aide vraiment au début d’avoir déjà été dans la ville concernée. Cela permet de mieux faire la part des choses. Pour les destinations inconnues (ce sera le cas pour moi un peu plus tard dans l’année) je mise sur une super préparation afin de vraiment distinguer ce qui me fait envie de ce que l’on essaie de me vendre et ne pas tomber sur place dans la facilité des immanquables inratables ou alors avoir la chance de connaître quelqu’un sur place qui puisse nous faire découvrir sa ville. C’est sans doute pour ça que j’aime tant le blog Overways, découvrir une ville à travers le regard de ses habitants c’est très précieux.
Je te souhaite une douce soirée ! A bientôt ! <3
Juil 20, 2016 @ 14:53:59
Cette belle façon de profiter d’un nouveau lieu… Nous avons appliqué cela lors de notre voyage en Suède il y a deux ans et on a trouvé génial ! Effectivement, nous avons quelques visites mais pas pour « cocher les cases », parce que nous avions envie de faire de ces visites. Du coup, depuis nous essayons de faire tous nos voyages de cette manière et c’est génial ! De cette manière, on profite vraiment du moment présent et de l’ambiance de la ville.
Belle fin de journée !
Juil 24, 2016 @ 22:31:43
Merci Tamia d’avoir partagé ton expérience, ton petit mot tout doux m’a donné envie de découvrir la Suède avec les mêmes yeux que vous deux <3
J'espère que j'en aurais la chance un jour !
A très bientôt et douce soirée à toi ! <3
Juil 20, 2016 @ 20:12:11
quelle sérénité. pour ma part, je n’ai pas encore abandonné la course à « je veux en voir un max », peut-être parce que les voyages sont trop rares et que je n’ai pas encore expérimenté cette dimension, mais c’est une idée qui me plait bien. Lors de mon prochain voyage, j’y penserai, c’est sûr. Et l’idée me vient de commencer par le faire dans la grande ville d’à coté, dont je ne connais pas encore bien les ruelles et les quartiers cachés. Merci pour ce partage.
Bel été à vous.
Juil 24, 2016 @ 22:30:10
Oui, je te rejoins sur ce point, c’est d’autant plus rare de dire non à la pression lorsque l’on voyage rarement. Mais je pense vraiment que c’est quelque chose qui s’apprend alors je m’entraîne à chaque voyage !
A très vite et douce soirée à toi !
Juil 21, 2016 @ 14:13:37
J’ai longtemps ressenti le FOMO
Par exemple, lors de mon premier voyage aux USA et au Canada, j’ai eu plusieurs sensations. Genre » j’ai de la chance, ce que je vis à mon âge est dingue » et en rentrant » purée, quand je vois tout ce que les autres gens ont fais comparé à moi, j’me dis que j’ai manqué des choses »
Je crois qu’on ressent souvent ça, faute aux RS divers, à Instagram, moi j’ai fais plus de trucs que toi, et moi j’ai aussi fais ça et toi ? alors que je pense, nos parents, généralement loin des réseaux sociaux, ne ressentent jamais ça, mais se disent plutôt; de toute façon j’y retournerais, c’est pas grave, on fera ça une autre fois !
Puis, en grandissant, c’est ce que je me dis
J’ai de la chance de le faire déjà rien qu’une fois, et si je suis un peu déçue, je le referais
J’ai été 4 fois à NY qui est une ville que j’adore, à chaque fois je la redécouvre, et je me dis que toute façon, on ne peut pas tout connaître d’une ville en un passage, il y a des rues qu »on a ignoré, des passages non empruntés, des choses qui nous sont passées sous le nez.
Il faut savoir apprécier notre chance et nos moments quelque part, sans se mettre la pression !
PS : ta plume est divine, toujours un plaisir de te lire <3
Juil 24, 2016 @ 22:29:15
Merci pour ton témoignage, c’était hyper intéressant de te lire et tellement inspirant !
A très bientôt et douce soirée à toi ! <3
Juil 21, 2016 @ 15:49:49
Je ne me mets jamais la pression en voyage. Pour moi un pays, c’est plus que la somme de tous ces endroits qu’IL FAUT visiter, voir. Bien entendu par le passé, je suis partie en vacances avec des personnes pour qui « courir » après chaque monument, chaque exposition du moment, chaque lieu « à voir avant de partir », chaque café réputé à tester faisait partie du package.
C’est peut-être une des raisons pour lesquelles j’aspire de plus en plus à voyager seule. Regarder les gens vivre ici et ailleurs est pour moi la plus belle chose qu’il nous soit donner de contempler. Et je considère que je connais un pays quand je le regarde avec le coeur…
Doux billet Célie. Et heureuse que doucement tu prennes le temps d’écouter ce qui est bon pour toi.
Juil 24, 2016 @ 22:28:36
Merci Marie ! Ton petit mot est un trésor de déculpabilisation ! Et ça fait drôlement du bien de lire la manière douce, instinctive et bienveillante avec laquelle tu abordes le voyage. Cette vision me fait moi aussi apprécier de plus en plus la liberté que permettent voyages en solo mais sur ce point je suis extrêmement chanceuse car l’amoureux partage exactement la même vision que moi ce qui nous permet de vraiment profiter de nos voyages à deux à notre rythme.
Je te souhaite une douce soirée et à bientôt !
Juil 21, 2016 @ 23:33:00
Si auparavant j’avais l’envie/le besoin de cocher des cases de la to-do-list / immanquable de la ville, je suis devenue un peu plus faneuse. Je contemple au hasard des rues, j’ecoute mes envies a l’instant T. Je m’eloigne des hotels et priviligie les « chez l’habitant ». Alors je te comprend bien. Pour profitez pleinement il faut s’ecouter et faire ses choix au jour le jour lorsque l on voyage. Notre qutidien nous oblige deja une certaine routine et quelques corvees alors faisons preuve de spontaneite en vacances. Les decouvertes seront uniques et d autant plus belles ! Merci pour ton chouette article.
Juil 24, 2016 @ 22:25:20
Merci Clémence pour ton petit mot, j’ai hoché la tête un nombre incalculable de fois en te lisant ! Faire au jour le jour et couper les ponts avec les « il faut » qu’on s’impose par habitude, ça prend du temps mais ça en vaut vraiment la peine je pense ! A très bientôt et douce soirée à toi ! <3
Juil 23, 2016 @ 21:41:07
C’est vrai que l’envie de vivre comme l’habitant du coin est aussi un peu ma philosophie en voyage. Et chaque destination à son rythme. L’urbanisme, les habitudes, l’esthétique et même les couleurs sont différentes dans toutes les contrées. Vivre l’air du temps à Barcelone ou à Florence, ça n’a rien à voir !
Juil 24, 2016 @ 22:01:24
Je suis complètement d’accord avec toi. A chaque nouvelle ville je me laisse emporter par son rythme, j’essaie de me fondre dans le décor. Et j’adore cet exercice Caméléon :)
Merci pour ton petit mot et à bientôt ! :)
En liens cette semaine #16 – L'océan de la vie
Juil 25, 2016 @ 14:36:16
[…] Penser le voyage selon nos envies et pas les obligations touristiques, c’est ce que Célie appelle Slow travel. Je prends bientôt mes premières vraies vacances depuis plusieurs années et je compte bien les savourer. […]
Juil 25, 2016 @ 16:54:37
De bien jolies photos :) Beau texte également. Quand je voyage, j’adore m’imprégner de la destination comme si j’y vivais réellement. On voit les choses sous un œil différent :)
Links I Love #110Whatever Works
Juil 27, 2016 @ 10:00:39
[…] Et si on voyageait sans se mettre la pression, sans avoir peur de « manquer » … […]
Pendant l’été sur le web – Blottie dans un fauteuil
Août 07, 2016 @ 16:38:58
[…] Chez Miss Blemish, on apprend à ralentir en voyage. […]
Sep 20, 2017 @ 12:43:48
J’ai toujours beaucoup de mal à me libérer de la pression de tout voir, tout faire, surtout quand la destination est lointaine et chère. Ça va paraître mélodramatique, mais la vie est courte et la Terre si vaste, et j’ai peur de mourir sans être revenue, sans avoir tout vu… Je sais que c’est illusoire et que je ne verrai jamais tout, mais c’est une angoisse profonde du temps qui passe et de la mortalité qui s’exprime à travers mon hyperactivité en voyage.
Sep 26, 2017 @ 09:54:01
Merci pour ton petit mot Ariane :) Je partage cette difficulté d’écouter mes envies lorsque la destination est lointaine et chère, c’est vrai que l’on a envie de « rentabiliser » et de profiter au maximum sachant que l’on ne pourra pas forcément revenir facilement ou rapidement. Et il est vrai que cela peut être angoissant de réaliser que l’on n’aura pas le temps nécessaire pour « tout voir » en une vie. Je relativise ce point en me rappelant que « tout » ne m’intéresse pas également et donc qu’il me reste la liberté de choisir ce qui me plaît et de m’y consacrer pleinement pour en profiter le mieux possible. Peut-être que cela t’aidera également ?
Je te souhaite une belle journée, à bientôt !
Sep 20, 2017 @ 19:51:35
C’est le deuxième commentaire que je laisse sous cet article, mais un an après, cette piqure de rappel était bien utile tant je souscris à tout ce que tu y écris ! Bon voyage à Copenhague !
Sep 26, 2017 @ 09:50:40
Merci Marion <3 Si cette philosophie n'est pas toujours facile à appliquer en pratique (la culpabilité a la vie dure), c'est celle avec laquelle je me sens la plus en phase en voyage :) Vive les balades et les petits cafés dans lesquels on prend le temps de s'asseoir, refaire le monde et observer <3
Belle semaine à toi et à bientôt !
Oct 27, 2017 @ 17:58:58
Coucou Miss Blemish :D
Le stress faisant parti de mon quotidien et s’invitant à chacune de mes décisions, d’autant plus lors d’un voyage, je prends ton article et ton besoin de liberté très à cœur.
Après du temps et beaucoup de travail sur moi-même j’aimerais parvenir à profiter et vivre un voyage avec l’aisance et le détachement que tu nous décris.
Nov 02, 2017 @ 20:51:06
Je pense que ce détachement du stress d’en voir/faire toujours plus en voyage vient progressivement (lorsque c’est quelque chose qu’on recherche et souhaite bien sûr, je suis consciente que tout le monde ne partage pas cette envie :) Donc je te souhaite plein de chouettes découvertes dans ce processus !
Belle soirée à toi !