Bonheur – le partager, est-ce s’en déposséder ?
Je ne m’étais jamais posé la question de la vie privée sur mon blog jusqu’à il y a quelques mois. Lorsque je lisais des articles traitant de cette thématique, je ne voyais pas bien où était le problème et pourquoi en parler. Sûrement parce que la frontière était nette et les nuances rares. Il y avait ce que je voulais partager avec vous, réflexions, quotidien, sourires, sorties, voyages, textes et gourmandises et le reste qui n’appartenait qu’à moi (et n’aurait pas intéressé grand monde). La délimitation était claire. Noir – blanc, pas trop de gris.
Puis j’ai rencontré Yoann et soudain, à mes petits bonheurs sur lesquels j’avais tous pouvoirs sont venus s’ajouter nos petits et grands bonheurs. Et la donne a changé. True happiness is only the one we share – Il n’est pas de vrai bonheur s’il n’est pas partagé – c’est la conclusion du très beau Into the Wild. Or nos bonheurs sont déjà de ceux que l’on partage puisque nous les vivons à deux. Et la somme de nos détails ne me construisent plus seulement moi mais lui et nous forcément. Ai-je donc vraiment le droit de les poser ici ? Mais surtout, en ai-je envie ? Dire ces menus détails dans lesquels se cachent tellement plus, n’est-ce pas déjà nous déposséder de ce qui n’appartenait qu’à nous jusqu’alors ? Dire, n’est-ce pas perdre (un peu) notre identité, notre singularité ? Dire n’est-ce pas briser une promesse faite à demi-mot, un pacte silencieux mais néanmoins tangible et palpable ?
J’ai peur, je crois, de dénaturer plus que de raison ces instants précieux en les portant sur le papier, de travestir leur réalité, de biaiser mon ressenti. Mentir aussi pour une part puisqu’il n’y aura jamais ici que ma propre version de l’histoire, partielle et partiale. Apposer un filtre, figer un sentiment vivant. Transformer l’extraordinaire vécu et ressenti, d’un mot mal choisi, en un cliché ordinaire et trop sucré. Pourtant souvent les doigts me brûlent et une envie irrésistible me pousse vers les toits pour crier mon bonheur. À la peur de vendre l’inestimable se heurte cependant celle de perdre ces moments précieux dans les tréfonds de nos mémoires hésitantes. Et la mienne a beau être de celles que l’on dit bonnes, je sens le ténu s’effacer, les tous petits détails devenir flous et je sais que déjà ils se confondent dans le brouillard.
Je n’ai pas de conclusion pour cet article, encore moins de réponse claire et définitive. Mais j’avais envie de réfléchir avec vous à cette thématique, entendre vos points de vue de lecteurs, de blogueurs.
Le bonheur, on s’en dépossède lorsqu’on en parle selon vous ?
Note : Je parle de la problématique du couple puisque pour les autres domaines de ma vie je n’ai pas de difficulté à trouver la limite entre ce que je peux et ce que je ne peux pas partager en restant fidèle à ce que je veux que mon blog soit.
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Déc 11, 2014 @ 22:18:22
Je comprends ce que tu veux dire, j’avoue que quand je vois des filles raconter dans presque les moindres détails leur vie de couple sur un forum, ça me met plutôt mal à l’aise… Enfin c’est ton bonheur que tu partages avec ton mec, ça ne concerne pas le monde entier.
C’est normal que tu aies envie de parler de ces bonheurs de la vie de couple, je pense que pour mettre en limite, tu peux en partager un peu, quelques uns, et garder le reste pour vous :)
Déc 13, 2014 @ 10:58:35
Oui, exactement. Ne reste plus qu’à trouver comment faire ce choix-la :)
Je ne juge pas pour autant les personnes qui racontent tout de leur vie « privée ». C’est leur choix, s’il leur convient, cela ne me dérange pas. Je ne ferais en revanche peut-être pas partie des lecteurs (et encore que, ça dépend de la manière dont s’est fait – Caroline du blog Pensées by Caro parle énormément de sa vie privée et pourtant on n’a jamais l’impression d’être intrusif en la lisant). Mais pour ma part, je ne pourrais pas tout raconter, comme le titre le dit, j’aurais l’impression de me faire voler une partie de moi en la livrant sur la toile.
Bises
Déc 11, 2014 @ 22:57:57
Je comprends ce que tu veux dire aussi …
Ce qui est étrange c’est que j’ai finalement arrêté mon blog peu de temps après avoir trouvé mon tout premier petit ami (oui je suis restée célibataire endurcie jusqu’à 32ans mais il valait la peine d’attendre tout ce temps (j’ai 34ans)) … & il faut dire que ma vie a pas mal été chamboulée entre 2010 et 2012.
Mais je crois qu’on peut partager son bonheur sans s’en déposséder, en se fixant ses propres limites …
http://dai.ly/xly7w
Déc 13, 2014 @ 10:54:51
C’est marrant ça ! Cet arrêt de blog qui coïncide. Je crois que tu as raison : il faut s’écouter, prendre le temps et se laisser porter ensuite :)
Bises
Déc 13, 2014 @ 21:05:01
Mon ancien blog s’est éteint peu à peu, j’ai quitté le domicile parental lors de l’été 2011 (j’avais 31ans) après avoir acheté mon appartement tout fin 2010, l’année 2012 a été éprouvante lors du 1er semestre (deuil etc) et à la fin de l’été 2012, …
l’ami qui a toujours été présent est devenu petit ami. Par conséquent le 2e semestre 2012 a été plus joli et doux … & mon blog s’est peu à peu éteint, je l’ai arrêté en juin 2013 définitivement.
Déc 12, 2014 @ 04:33:35
C’est rigolo, parce que y’a 3 jours je me suis fait la même reflexion sur un de mes derniers billets… J’avais mis un paragraphe sur le fait que maintenant, il y a ce garçon avec qui c’est chouette de partager ses journées, et finalement j’ai effacé. Je me suis dit que c’était quelque chose que je n’avais pas forcément envie de voir écrit, comme ça, sur un écran d’ordinateur. Je sais pas. J’ai pas trop de mal à trouver ma limite entre vie privée et blog, puisqu’en général, ça parle de moi (yeah, l’ego) mais dans ce cas précis, c’est un peu pareil que toi.
(Voilà une reflexion qui va beaucoup t’aider dans la tienne, hein.)
Déc 13, 2014 @ 11:01:49
En effet c’est marrant ;) C’est idiot mais ça me rassure un peu de n’être pas la seule à me poser ce genre de questions (mon prof de prépa médecine avait raison : « si tu te poses une question, il y a au moins deux autres personnes dans la salle qui se la posent également »). Je suis très heureuse de lire que ce garçon existe ;) Pour le reste, je suis comme toi, lorsque ça parle de moi (et rien que de moi) je sais où mettre la barrière, mais… pour le reste… cela viendra avec le temps :)
Bises
Déc 12, 2014 @ 10:08:31
100% d’accord avec toi Célie! Bon, de mon côté, le blog est un peu à l’abandon ces derniers temps…mais il m’arrive aussi parfois d’avoir envie d’écrire sur mes bonheurs – côté couple également. Mais je me ravie très très vite car je n’ai pas envie d’exposer ça sur le blog. Tu l’exprimes très bien lorsque tu dis que finalement, ton (votre) bonheur est déjà partagé puisque vous le vivez à deux. Je me dis souvent que mes sentiments de bonheur sont si complexes que des mots ne pourraient pas les décrire, qu’ils seraient peut-être mal compris, pas à leur juste valeur en tout cas. Et puis, finalement, ça ne regarde personne. Sauf lui & moi.
Quant au malheur, penses-tu que le partager c’est s’en déposséder?
Déc 13, 2014 @ 10:53:04
Je te rejoins complètement sur la complexité du bonheur. Parfois, j’ai l’impression que ma poitrine va exploser. Comment transcrire cela ? Ce qui bouillonne, tourbillonne, change, retourne, détourne, souris, ris, vis, bouleverse, angoisse, ravis ? Voilà, belle démonstration du « c’est impossible à décrire ». Et le problème d’un texte c’est qu’il s’arrête lorsqu’un sentiment n’est pas un état figé dans le temps mais quelque chose en constante évolution. Mettre un point serait cloisonner, réduire, figer. Et l’on a vite fait de basculer du beau au mièvre ce qui gâcherait tout.
Pour le malheur, je dirais que oui. Oui, le partager c’est s’en déposséder. Ce n’est plus seulement nous face à lui mais une armée d’amis, de proches contre lui. C’est un premier pas vers sa remise à sa juste place dans notre vie. Un évènement, plus ou moins cataclysmique, qui ne nous tuera pas à moins que nous ne lui laissions le faire. Mais ça, c’est une décision qui n’appartient qu’à nous face à lui.
Merci beaucoup pour ton commentaire, je suis contente d’avoir eu ton point de vue sur la question !
Bises
Déc 12, 2014 @ 10:38:46
C’est vraiment une réflexion intéressante, et je n’ai au final que peu de réponses à y apporter parce que ces questions, elles me touchent personnellement. Je trouve que tu nous fais partager tes petits bonheurs avec beaucoup de pudeur et de douceur, sans jamais rentrer dans les détails et c’est ce que j’apprécie chez toi et dans ton blog.
Je crois que c’est une question très personnelle au final, certaines ont le besoin de tout faire partager, y compris des détails ou des pans de leur vie qui, parfois, pour moi en tout cas ne doivent pas connus de tous (par exemple, les femmes qui racontent en détail leur accouchement, dans les détails les plus intimes et les plus médicaux, ça me gêne toujours). Mais si elles en ressentent le besoin…
J’aime lire tes petits bonheurs, qu’ils ne soient qu’à toi ou à vous deux en tout cas, parce que j’y m’y reconnais, et que tu les exprimes toujours si justement. Je crois que quand on tient un blog personnel, cette frontière entre vie privée / vie publiée est forcément floue par nature…
Et ton amoureux sinon, il sait que tu écris sur la toile ? Qu’en pense-t-il lui ?
Déc 13, 2014 @ 10:46:25
Oui, Yoann sait :) Comme il me le disait hier, vu le temps que j’y passe, ç’aurait été compliqué de lui cacher :p Et cela ne lui pose pas de problème, « tu écris tes ressentis, tu ne nous racontes qu’en sentiments, pas en faits bruts dont nous seuls connaissons l’existence »
Mon blog n’est pas secret, mes amis, ma famille savent que j’écris, certains lisent, d’autres non… Mon blog n’a pas de vocation « confession », ce que j’écris peut (en théorie) être lu de tous, cela facilite donc sûrement grandement les choses sur ce plan-là !
Je te remercie pour ce que tu dis de mon blog, ça me touche beaucoup la douceur du regard que tu poses sur mes écrits. Merci <3
Bises
Déc 12, 2014 @ 19:15:16
Je pense décidément qu’écrire sur un blog ne me convient pas, puisque je ne parviens pas à poser cette frontière entre ma vie privée et ce que je suis d’accord de partager. J’écris des non-dits, je ne vais pas au bout de mes réflexions, je reste en surface. Je trouve que c’est une forme de frustration. Alors, je ne me force pas. Si j’ai besoin d’écrire et d’aller au fond des choses, je serai la seule à pouvoir me lire, je ne souhaite pas partager mes pensées les plus profondes. Pas de cette façon, en tout cas. En plus, mon blog était principalement un endroit pour livrer des « billets d’humeur », puisque je ne sais faire que ça. Je crois que je suis trop pudique pour dévoiler des petits bouts de moi sur un blog, qui est lu par je ne sais qui. C’est ce qui me dérange le plus, je crois. La porte d’entrée à mes sentiments, ouverte à n’importe qui. Bref, je ne m’y retrouve pas ! C’est ce que j’admire justement chez toi, dans ta façon de partager des instants de ton quotidien. Tu sais faire la part des choses, garder ton intimité. Je trouve ça doux et réjouissant que tu nous parles de ton amoureux, probablement parce que tu sais trouver les mots juste. Alors, fais ce qui te plait, suis tes envies, je serai au rendez-vous… Je t’embrasse fort !
Déc 13, 2014 @ 10:39:34
Merci pour ton commentaire, je trouve ta réflexion très intéressante. En effet, le corrélât de la pulsion de « partage » c’est de laisser sa porte ouverte à n’importe qui. Tu sembles avoir énormément (ou pris énormément) de recul sur ta manière de fonctionner, de partager, d’écrire, ce que tu souhaites et ne souhaites pas, ce qui te convient et ne te convient pas, ce que tu veux et ce que tu ne veux plus. Je suis très admirative de cette honnêteté envers toi-même, et j’extrapole peut-être mais, je me dis que ça n’a pas forcément du être facile pour toi qui adore tant écrire d’admettre que le système du blogging ne te convenait pas. Je pense que tu trouveras une autre voie vers l’écriture, certes personnelle (car sitôt que l’on écrit on y met de soi ne serait-ce que par le temps que l’on y consacre) mais moins « de front ». Un prétexte encore, des personnages, de la fiction (pourquoi pas ?), quelque chose qui te conviendra et ne te laissera pas l’amertume de n’avoir pas pu dire tout ce que tu avais à dire.
Merci pour ces quelques mots concernant m’ont blog, ils m’ont fait chaud au coeur :)
Bises
Déc 18, 2014 @ 12:39:18
Ta réponse me touche beaucoup, Célie… Merci. Je me retrouve dans tes mots, ils me font même prendre conscience de certaines choses. Tu as raison, ça n’a pas forcément été facile d’y « renoncer ». Maintenant, j’écris pour moi toute seule, et je savoure cette liberté que je m’autorise… Qui sait, peut-être qu’un jour la fiction viendra frapper à ma porte. Je ne suis pas dans l’attente de quoi que ce soit. J’apprends doucement à m’écouter, comme tu le dis, à mieux connaitre ma manière de fonctionner… C’est ce qui compte pour moi. Merci encore <3
Déc 18, 2014 @ 23:20:58
<3
Déc 14, 2014 @ 23:56:00
(donc je dirais que oui, moi j’ai l’impression de m’en déposséder quand j’en parle)
gros bisous
Déc 16, 2014 @ 19:08:01
Je crois que la première partie de ton commentaire n’est pas passée… :(
Déc 15, 2014 @ 01:41:36
Je te rejoins dans ta réflexion. Bien qu’il s’agisse d’un blog tourné essentiellement autour des billets humeurs, je m’auto censure… par pudeur sans doute. Et le fait de bloguer à visage découvert ne change rien à la donne, en anonyme j’aurais aussi gardé certaines choses pour moi, c’est dans ma nature de ne pas TOUT dévoiler.
Continue sur ta lancée, je trouve que tu as trouvé ton juste milieu et c’est très bien ^^
Déc 16, 2014 @ 19:09:28
Merci ! Et merci pour ton petit mot, je te rejoins sur la question de l’anonymat, que l’on sache qui se cache derrière l’écran ou non, cela reste notre vie et ses détails secrets… difficile de les voir placardés.
Bises !
Déc 15, 2014 @ 07:00:49
Tu racontes tes sourires avec douceur et pudeur. Il n’est jamais facile de faire la part des choses, raconter sans vraiment raconter, dire, écrire sans vraiment tout dire. Je ne crois pas que ce soit s’en déposséder, cela voudrait dire que le bonheur nous appartient, alors peut-etre bien que oui, quand on l’attrape à la volée dans le creux de la main et qu’on lr serre fort fort à s’en faire mal de peur qu’il s’envole. Mais ce n’est pas vraiment ça le bonheur pour moi, ce sont des instants de bonheur, et donc le relâcher car un autre arrivera, que l’on gardera précieusement, pour ensuite en attraper un nouveau dans le creux de la main pour le laisser filer de nouveau entre les doigts. Il y a une multitude de bonheur tous aussi diffèrent qu’il y a d’être humains ici. Il y a une multitude d’émotions qui s’en vient avec, qui souvent ne peuvent pas écrits, ressentis pour/par les autres mais juste par nous, et ceux/celui avec qui on partage cet instant. Alors même si souvent on met des mots sur nos émotions, je ne crois pas qu’il existe assez de mots, ou le parfait mot des fois pour ce que l’on ressent. Il y a tellement plus que les mots, que chacun peut deviner à sa façon. Il y tellement plus derrière les mots. Je ne sais pas vraiment pour tout te dire, où je me situe, des fois, je me dis que j’en dis trop, et d’autres fois, je me dis qu’advienne que pourra (ce qui est fait est fait).
Bises jolie Célie <3
Déc 16, 2014 @ 19:10:26
Merci Fabienne <3 Ton commentaire est poétique tout comme ce que tu y développes.
Merci pour ton (petit) mot !
Bises