So long Instagram | Les bénéfices d’une utilisation limitée des réseaux sociaux

Voilà 5 semaines que je ne consulte plus compulsivement mon téléphone. Après 3 semaines de vacances où il est resté la plupart du temps en mode avion, j’ai expérimenté ces 2 dernières semaines une méthode compatible avec ma vie professionnelle : rester joignable par appel et message la journée, passer en mode avion la nuit et bloquer les applications sources de compulsions sur des horaires définis (j’utilise AppBlock pour configurer ça). J’ai ainsi choisi une heure dans la journée durant laquelle je peux accéder à mes mails et Instagram. Le reste du temps, leur accès m’est bloqué, l’application ne s’ouvre pas.
Voilà comment pour la première fois depuis que j’ai commencé mes études supérieures, les bénéfices des vacances sont encore présents après 2 semaines de travail. Le précédent record était de 4 jours avant de retrouver la sensation d’être passée à l’essoreuse.
Nous sommes de plus en plus nombreux à présenter ces comportements de vérification compulsive des réseaux sociaux – qui fonctionnent (et c’est voulu) sur un modèle similaire aux machines à sous : le résultat d’une même action (ouvrir l’application) est imprévisible (avoir un message, des likes, du nouveau contenu qui nous intéresse ou non) ce qui motive la répétition toujours plus fréquente de l’action dans l’espoir d’avoir le stimuli recherché – et ses effets négatifs sont si pernicieux qu’il n’est pas toujours évident de les identifier comme péjoratifs. En effet, les réseaux ont des apports positifs directs (accès à l’information, communication, rencontre, échange, possibilité d’expression, de partage et de créativité) là où leurs effets négatifs sont plus insidieux.
Perturbation du sommeil, recherche de validation, comparaison à ses pairs, image déformée de la réalité au détriment du quotidien vécu comme terne, exposition massive à la publicité, enfermement dans des bulles d’écho qui ne nous renvoient qu’à des contenus qui corroborent notre vision du monde, isolement, anxiété, dépression, troubles de la concentration, ennui, surmenage lié au fait d’être sans cesse disponible, joignable, interrompu et par la disparition des temps off (chaque micromoment vide étant comblé par l’ouverture d’une application)… Des études ont montré combien l’utilisation toujours plus grande de ces plateformes pouvait avoir des effets néfastes sur notre santé mentale. Et le tri des comptes suivis n’y est pas une réponse suffisante, bien que je m’y sois longtemps laissée prendre.
Voici ainsi ce que j’ai pu constater comme bénéfices en ces 5 semaines de salutaire mise à distance :
- Le premier et le plus important : je me sens plus reposée. Lire, m’ennuyer, regarder par la fenêtre, rêvasser entre deux temps d’activité voilà qui fait toute la différence. Le fait de ne plus nourrir l’exigence d’être disponible à tout un chacun à chaque instant est également un soulagement : il n’y a plus ni presse ni urgence ni « occasion qui pourrait être manquée » ni attente. À la place, je suis disponible pour les gens présents physiquement autour de moi, ce qui m’amène au point 2
- Une plus grande qualité de présence. Être avec et ne faire que ça. J’ai honte en écrivant cela et pourtant force est de constater que les écrans faisaient écran même si je ne me l’avouais pas.
- Finie la frustration de la page qui ne charge pas (parce qu’on capte mal dans les transports) : c’est quelque chose que je faisais déjà mais ça reste important. Dans les transports, je lis, je dors ou je regarde par la fenêtre. Ça évite de s’agacer de façon stérile.
- Une patience décuplée et un temps rallongé : le sentiment d’urgence de consommer/vérifier/exister disparu, je ne cours plus (mentalement comme physiquement). Ma to-do list mentale encombrée s’est fait Marie Kondoiser. Je me couche à une heure où mes besoins de sommeil seront respectés. Je me lève suffisamment tôt pour ne pas courir dès le réveil, petit-déjeuner et prendre le temps de me préparer.
- Plus de place pour créer : consommer moins de contenu c’est laisser la porte ouverte pour autre chose. Des loisirs qui nourrissent (tels que le sport, la lecture, la sieste, la revasserie, les conversations, le dessin, les balades…) et des idées qui peuvent fleurir. Voilà comment cette semaine j’ai trouvé le sujet du prochain livre que je souhaite écrire.
- Moins d’émotions négatives : les mauvaises nouvelles, les coups de gueule, l’indignation de chacun, les conflits, les autres qui semblent toujours performer mieux que soi… C’est un miroir aux alouettes et pourtant, qu’on le sache ou non, ce bain émotionnel auquel on se connecte nous affecte. Sans bruit mais pas sans dégât pour notre bien-être. S’exposer moins donne la chance de remettre tout ceci dans son contexte, un pas de côté bénéfique qui permet d’être plus aligné dans son usage comme dans ce que nous partageons là-bas.
- Enfin, désormais, ma batterie tient toute la journée !
Si ce sujet vous intéresse, voici plusieurs références qui pourraient compléter cet article :
- La civilisation du poisson rouge : petit traité sur le marché de l’attention par Bruno Patino (disponible en poche)
- Le rapport de la RSPH sur l’effet des réseaux sociaux sur la santé mentale https://www.rsph.org.uk/static/uploaded/d125b27c-0b62-41c5-a2c0155a8887cd01.pdf
- Pourquoi Instagram est le réseau social le plus néfaste pour la santé mentale sur Néon Mag https://www.neonmag.fr/pourquoi-instagram-est-le-reseau-social-le-plus-nefaste-pour-la-sante-mentale-487248.html
- Research links heavy Facebook and social media usage to depression sur Forbes https://www.forbes.com/sites/amitchowdhry/2016/04/30/study-links-heavy-facebook-and-social-media-usage-to-depression/#4cadc45a4b53
J’espère que cet article vous a plu et qu’il viendra nourrir votre réflexion autour de l’usage des réseaux sociaux. Plus qu’une digitale detox totale et ponctuelle, c’est nos quotidiens au complet qui bénéficieraient d’un plus juste équilibre.
Et vous, quel rapport entretenez-vous avec les réseaux sociaux ?
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Août 15, 2020 @ 12:34:09
La question peut paraître bête mais comment fais-tu pour ne pas consulter tes applications en journée si tu n’es pas en mode avion ?
Il y a toujours l’arrêt des notifications, mais je sais que pour moi, ça ne marche pas complètement, même si c’est un premier pas.
En tout cas, ton raisonnement est intéressant et mérite l’expérimentation :)
Août 17, 2020 @ 12:14:41
Bonjour Corine ! Comme toi j’avais supprimé toutes les notifications et même certaines applications. Mais je les ouvrais encore beaucoup dans la journée (si ce n’est tout autant). Du coup j’ai installé une application, AppBlock, qui permet de définir un créneau horaire auquel l’accès aux applications est autorisé et un créneau où il ne l’est pas. Tu peux faire varier ces paramètres selon les jours en faisant des profils différents. Ca marche très très bien !
J’espère que ma réponse t’aidera :) A très vite !
Août 15, 2020 @ 16:24:33
Bonjour Célie,
Ton article raisonne beaucoup en moi ; Instagram étant devenu source de nombreuses émotions négatives chez moi ces derniers mois, j’ai fini par vouloir fermer mon compte… Mais comme je consacre une partie de mon temps de travail (40 %) à la création de contenus (sur mon blog et sur IG), cela n’était pas du tout envisageable pour moi. Et puis même si beaucoup de choses me pèsent sur IG ces derniers temps (autant dans l’utilisation que j’en fais/faisais que ce que j’y vois), je reste très intéressée par certains types de contenus et je trouverais cela dommage de me priver de tout ce qu’ils peuvent m’apporter de positif.
Je me déconnecte systématiquement durant les vacances et cet été, après 2 semaines de déconnexion totale des RS, j’ai décidé de retourner sur IG de manière plus occasionnelle et réfléchie et de m’accorder une journée déconnectée par semaine (le dimanche généralement). Je ne consulte plus mon téléphone avant d’avoir pris mon petit déjeuner ni après le dîner. Et le reste de la journée, je ne vais plus sur IG à moins de me sentir suffisamment disponible et disposée à apprécier le contenu de mon fil d’actualité. J’aime l’idée d’accorder un créneau précis à cette activité ; cela se fera peut-être plus facilement à la rentrée, lorsque j’aurai un emploi du temps établi car pour l’heure je n’ai pas vraiment de rythme.
En tout cas je te remercie pour ce partage aussi intéressant qu’enrichissant ; c’est important de savoir reconnaître l’impact délétère que peuvent avoir les RS sur notre bien-être, de remettre en question l’usage qu’on en fait et d’explorer différentes pistes pour trouver un équilibre qui nous convient.
Je te souhaite de bons moments déconnectés… et connectés !
Août 17, 2020 @ 12:12:25
Merci Natasha pour ton message ! Je te le confirme, avoir une plage horaire définie, ça marche vraiment bien. Il y a un temps dédié, on sait qu’on pourra faire les choses qu’on a à faire (répondre aux messages, publier… etc) ou qu’on veut faire (consommer du contenu, se tenir informée…) sans que ce temps soit fragmenté tout au long de la journée et contamine toutes nos autres activités. Dans ton cas où cela fait partie de ton travail, tu auras peut-être besoin d’une plage horaire plus longue que la mienne mais je pense que ça vaut le coup d’essayer.
A très vite !
Août 15, 2020 @ 16:26:59
Article qui résonne… comme toujours ! Et quel plaisir de retrouver quelques pages de ton blog à lire.
Difficile de réduire la place prise par les RS (même en n’y étant « que » lectrice), d’autant plus qu’ils semblent être un échappatoire si facile (à portée de main) dans un quotidien qui compose avec toutes sortes d’angoisses (et en particulier avec la pandémie).
Comme le souligne ton précédent article, je me retrouve tout à fait dans le sentiment de submersion que tu décris, qui est à la fois un trop plein d’images, d’idées, de conflits virtuels (ceux auxquels on assiste), d’actualité en continu et une sensation de vide :ne rien construire, ne pas sentir passer la pesanteur du temps et se rendre compte avec horreur que une heure a déjà disparu, à faire défiler des choses qui, souvent, n’ont rien de si intéressant et important.
Curieux aussi, comme c’est un combat de tous les jours de réduire ! J’ai l’impression d’avoir pris cette résolution mille fois et de ne jamais vraiment m’en sortir… sauf quand je suis vraiment en vacances (en voyage, en rando, avec mes proches) et que c’est le quotidien entier qui obéit à une autre temporalité.
Août 17, 2020 @ 12:08:51
Merci Julie pour ton message, je suis heureuse que mes derniers articles t’aient plu !
Comme toi j’ai l’impression d’avoir pris ces bonnes résolutions milles fois… Connaître les mécanismes sous-jacents m’a aidée à agir et poser un regard différent sur ces comportements de « veille ». Le fait d’avoir atteint le point de non retour aussi : au pied du mur, on n’a plus le choix, il faut se résoudre à changer les choses.
Comme beaucoup de choses dans la vie qui reposent sur l’équilibre, je crois malheureusement qu’il n’y aura jamais de solution ferme et définitive applicable à tout moment. Mais ça ne veut pas dire que nous ne pouvons pas trouver le bon compromis du moment pour nous-mêmes. Cela n’en sera que plus facile de réajuster lorsque notre quotidien prendra un autre chemin.
Belle journée à toi et à très vite !
Août 15, 2020 @ 18:07:59
Bonjour Célie,
Merci pour ce retour d’expérience riche d’enseignements. Moi qui ne vais presque plus sur Facebook et souhaiterais réduire le temps passé sur Instagram, voilà de quoi m’y inciter. Cela fait déjà plusieurs mois que j’ai coupé les notifications, ce qui m’a aidée à n’y aller que lorsque j’en ai vraiment envie, et non pas à chaque fois ou presque que j’allume mon écran pour regarder l’heure. Mais j’y vais encore quotidiennement pendant les vacances et j’y passe trop de temps, par peur de louper un contenu qui m’intéresserait. Et je trouve cette sensation de dépendance plus malsaine que les partages intéressants que je peux lire. Surtout que je ne fais que ça, lire, au lieu d’agir. Mais si j’en suis là de ma réflexion, c’est sans doute que je suis sur le bon chemin pour changer mon rapport aux réseaux et la consommation que j’en fais.
Août 17, 2020 @ 12:05:02
Merci pour ton message Amandine ! Se poser la question de ce que nous apporte notre présence en ligne et découvrir les éléments qui ne nous conviennent plus est la première étape pour trouver de nouvelles solutions et manières de faire. Tout le monde ne mettra pas le curseur au même endroit. Je te souhaite de chouettes découvertes dans ce moment d’exploration et que les astuces que tu mettras en place te permettront de ne plus profiter que des points positifs des réseaux sociaux.
A très vite !
Août 17, 2020 @ 21:50:32
Coucou ! J’ai décidé de reprendre le blogging, qui m’apporte beaucoup de positif et m’aide à développer mes capacités niveau écriture, par contre j’ai fortement réduit les réseaux…et également les infos à la télé !!
Août 26, 2020 @ 13:11:24
Oui, je pense que l’on va y revenir à ces articles qui demandent du temps pour être lus mais restent dans le temps, nourrissent et inspirent. Comme toi, je ne regarde plus les infos et ce depuis des années et je n’en note que des bénéfices !
Belle journée à toi et à bientôt !
Août 23, 2020 @ 14:17:36
Ton article tombe à point nommé !
Depuis près d’un an, j’essaie de réguler ma consommation d’instagram. Mon statut de jeune maman m’a permis de rendre compte à quel point ce RS était négatif sur ma santé mentale (mon quotidien est à des années lumière de celui d’une instamum sponsorisée, ce qui a engendré beaucoup de frustrations …). J’ai essayé de faire un tri dans mes abonnements, mais le diable est dans les détails, et je finis toujours pas retomber dans les même travers …
Je vais tenter ta méthode de blocage … reste plus au’à trouver la bonne heure :-)
Août 26, 2020 @ 13:08:48
Merci Julie pour ton message ! En effet, je n’ose imaginer la pression ressentie face à l’image de la maternité qui est véhiculée sur ce réseau. Comme toi le tri dans mes abonnements et l’arrêt des notifications n’a pas été suffisant, j’allais toujours autant sur l’application et ses effets délétères étaient toujours aussi présents.
Je te souhaite de trouver la formule, le juste compromis, qui te convienne. Je pense qu’on en reviendra, on va reprendre le temps du temps long, cette fuite en avant infinie est trop délétère.
Belle journée à toi et à bientôt !
Graines vertes et engagées #17
Août 25, 2020 @ 11:54:59
[…] Les bénéfices d’une utilisation limitée des réseaux sociaux […]
Sep 03, 2020 @ 22:05:24
Merci pour cet article, super intéressant :)
Il serait top de faire une suite plus long terme pour voir les bénéfices sur plusieurs mois