Nos souvenirs interdits
Tristement je réalisai soudain que, sans personne pour les évoquer, sans nos mains pour les raviver, nos souvenirs allaient s’étioler. Nous perdrions alors des réminiscences que nous étions seuls à pouvoir nous rappeler. Clichés salis par les meurtrissures, floutés par l’ouvrage besogneux du temps, le processus était peut-être même déjà enclenché. Un nom, quelques dates, un hiver et un été, une ébauche de printemps, des bribes de conversations fanées. A trop s’appesantir sur les blessures qui tôt ou tard elles aussi s’effaceront, il ne restera plus rien de ce que nous avons aimé. De ce en quoi nous avons voulu croire un temps, aussi bref fut-il. Un fragment de réalité disparaîtra emportant avec lui un peu de toi, un peu de moi. Les fêlures tentent d’éclipser la seule chose qui reste lorsque toutes les larmes ont été versées : la beauté des rares bons moments partagés. Alors qu’en est-il de nos souvenirs interdits, ceux cachés, bien enfouis ? Instants joyeux, sourires complices, légèreté des clichés qui ne se vivent qu’à deux, je veux nous souvenir pour un jour reconstruire des jours heureux. Ailleurs, autrement et avec quelqu’un de différent. Je veux nous souvenir pour ne pas avoir gâché plus que des sentiments aujourd’hui émiettés de belles journées. Je refuse à la laideur le pouvoir de nous effacer car tout ne fut pas laid. Ce chapitre comme un autre, je ne veux rien en oublier. Non pour m’y noyer, non pour nourrir de factices regrets, juste par honnêteté. Simplement pour ne pas nous renier, me renier. Je nous laisse au sommaire car dans les débris, bien caché sous le répugnant, il y eut le beau, le tendre, l’émouvant. J’ai seulement oublié quand. « Nous » gît sous les décombres, condamné mais existant.
Je garde le Beau et je jette le reste. Reset.
Edit : Merci à Eliane L. pour sa patience et son oeil de lynx à la relecture…
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Avr 12, 2013 @ 08:14:46
Je t’admire. Je suis incapable de ne pas TOUT rejeter en bloc. Le beau et le moins beau. Aujourd’hui, encore, je m’interdis d’y penser. C’est pour dire. Trop de mauvais, de triste, de pleurs, de cris… Et pas assez de beau, il faut bien fouiller pour le trouver alors j’ai abandonné. Tant pis. Je me reconstruit ailleurs. Merci pour ce bel article.
Avr 12, 2013 @ 22:12:01
Le « beau » est ce qui m’a aidée à surmonter le reste. Je pense qu’il appartient à chacun de trouver la façon de panser ses blessures. Si oublier est ce qui t’aide, alors OUBLIE :) Je te trouve très courageuse derrière tes mots. Tu as su aller chercher le réconfort là où il se trouvait et ne pas t’effondrer. Merci d’avoir partagé ton expérience ici, je t’envoie plein de courage et de sourires pour que les journées soient tous les jours un peu plus belles.
Bises
Avr 15, 2013 @ 00:04:49
Je me suis autorisée à y penser… un peu. Même après plus de deux ans, je ne peux que me rendre compte que ça fait très/trop mal. C’est horrible hein ? Après tout ce temps… Je garde les souvenirs pour plus tard, je remets toujours à demain. Belle semaine.
Avr 15, 2013 @ 23:32:24
Belle et ironique conclusion, j’ai souri. Certaines blessures mettent plus de temps à guérir que d’autres. Ma meilleure amie m’a dit « Accepte tes émotions », je pense qu’elle n’avait pas tort. Douce semaine à toi aussi,
Bises
Avr 12, 2013 @ 10:38:45
Je ne garde pas que le beau, je garde tout. Tout ce qui a fait que j’ai pu évoluer, le meilleur comme le pire. Tu écris superbement bien, tu sais…
Avr 12, 2013 @ 21:52:13
D’une certaine manière, je suis d’accord avec toi. Il faut tirer de ses expériences les enseignements qu’elles peuvent nous apporter pour ne pas commettre les mêmes erreurs à nouveau. En revanche, rassasser le passé lorsqu’il est source de souffrance, je me fais une règle de l’éviter. Pour avancer. Certaines blessures ne valent pas la peine qu’on s’en souvienne si ce n’est les quelques « astuces » qu’elles nous livrent pour les éviter.
Et pour le reste, Merci, ça me touche tu sais…
Avr 14, 2013 @ 11:51:13
« Se rappeler de ses bras autour de nous, de ces sourires et de ces regards complices lors de l’évocation d’un certain mot, d’une note de musique. Même avec les autres autour on avait notre bulle, on se comprenait. C’était nous et les autres. Rien ni personne ne pouvait gâcher ça. Sauf le temps, ou même nous. Et c’est bien ça le pire, être la cause de notre désarroi le plus cruel. »
Ce n’est pas de moi mais c’est le meilleur complément que j’aie pu trouver à ton texte, très bien écrit par ailleurs, comme d’habitude. ♥
Avr 15, 2013 @ 00:00:37
Merci :)
Août 15, 2013 @ 18:07:48
Je ne sais comment commenter ce texte, que j’ai lu et relu, et qui m’inspire tous les jours un peu plus vers la reconstruction, la guerison comme on dirait. J’ai l’impression d’etre une malade, quelqu’un qui doit suivre un traitement. Le mien serait a base d’amies, de chocolat et d’ecriture. J’ai mis longtemps avant de commenter ces textes parce que je n’arrivais pas a mettre des mots, tu as mis les tiens et je crois que je te les emprunte a chaque fois que je parle de cettte histoire, de lui et moi. Parce que « nous » git effectivment sous les decombres, que jem’efforce chaque jour d’enlever un a un, j’enleve les gravats pour garder le beau, pour garder ce pourquoi cette relation a existe. Je veux garder car tout ne fut pas laid, tout ne fut pas detestable. Mais en gardant le beau, en trouvant le beau sous les decombres, reviennent aussi a la surface, les beaux moments, les rires, les discussions, les gestes et c’est sentir son estomac noue, c’est se sentir faible. Comprendre qu’on est sur la voie de la guerison mais qu’elle n’est pas tout a fait la quand meme. C’est sentir des fois son corps se derobait sous ses jambes, pour un mot, une habitude, un sourire, un vetement. C’est aussi prendre du recul, enlever les gravats est necessaire pour ne pas sombrer, se detester, le detester encore plus. C’est necessaire pour « guerir », pour se pardonner, pour avancer. Pour reconstruire quelque chose de mieux, de plus beau, sans lui, avec quelqu’un de different. C’est aussi prendre en compte les erreurs, les pieces manquantes et finalement grandir, sortir la tete de l’eau un peu plus chaque jour. Car tout ne fut pas laid et que le laid je le laisse au placard. Car quand je ressortirai ces souvenirs, pas encore tout a fait cadenasses dans leur boite, pas encore tout a fait enfouis, je veux le faire avec le sourire, et l’affection et toute la tendresse que j’ai pour ces mois passes, ou j’ai grandi, ou il a grandi, ou on a grandi ensemble l’espace d’un court instant de vie.