L’amour attend à la station suivante
Tu étais là, toi plus jeune face à moi, toi d’hier à la mode d’aujourd’hui. Je revoyais ce cliché d’une malle excavé. Tu ne me regardais pas. Tu souriais à ton portable comme on sourit à cette personne qu’on aime. D’un regard jeté par la fenêtre je pouvais voir tes yeux, les mêmes que les tiens. C’était bien toi du passé habité par un autre.
Tu restais seulement deux stations face à moi pour laisser vide ce siège jusqu’à chez moi. Aucun ne vint te remplacer. Comme si tous savaient ces quelques minutes et toi qui partait sans un regard. La poésie de la soirée résonnait encore en moi, mes résolutions apaisées il y a deux heures battaient, valsaient, tanguaient. Mes amours du passé me rendaient visite dans le métro. L’autre jour déjà je souriais à cet inconnu qui avait tout de mon premier amour. Notre entrevue à deux sièges et quatre prunelles d’écart était plus longue là où notre histoire pourtant avait été si courte. Il répondait à ce sourire que je n’offrais pudiquement qu’à mes livres, tout mon corps pourtant tourné vers lui, ses yeux posés sur moi sachant sûrement qu’il n’y avait qu’à cet il dont il avait emprunté le visage que je pouvais sourire ainsi. Il ignorait mon avance, ses traits dont je connaissais tous les détours pour les avoir tracés du bout de mes doigts fins, d’une caresse, mains blanches sur matin. M’aurait-il appelé, lui qui appartenait à un hier semblant tour à tour proche ou lointain, m’aurait-il parlé que je n’aurais pu être complètement déboussolée tant c’était lui, tant c’était moi. Mon passé découvrait mes traits, me souriait et tu regardais ce téléphone l’air amoureux.
J’assistais à ce spectacle les mots brûlant mes lèvres, mes mains qui rêvaient de tout dire de cet instant pour n’en rien oublier. J’allais brader l’instant au profit du souvenir. Mots griffonnés sur papier froissé. Je me retenais le temps que les portes ne se referment et que tu disparaisses du quai. La vie m’avait comme offert ce qui m’avait tant manqué, les sourires de ceux que j’avais tant aimés.
« Je marche dans la nuit par les chemins mauvais
Ignorant d’où je viens, incertain où je vais
Et, je me rappelle en vain ma jeunesse écoulée
Comme l’eau du torrent dans une source troublée »
Alphonse de Lamartine
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Mar 04, 2014 @ 10:19:21
Hé bien, je ne regrette pas que les souvenirs de la semaine aient été un peu retardés. La lecture de ce billet a été un petit moment hors du temps. Tu m’as emmené avec toi dans ce métro, et contre toute attente, ce fut très, très agréable ! Belle journée à toi Célie ;)
Mar 08, 2014 @ 11:46:58
Merci Mélanie ! Tes commentaires sont toujours un sourire sur ma journée ! Merci, merci, merci !
Bises
Mar 04, 2014 @ 22:27:18
Lire le texte deux fois pour bien le comprendre et s’en imprégner… Très joli texte, joliment raconté de manière originale, et belle conception de l’amour… En attente de la station suivante…
Mar 08, 2014 @ 11:46:25
Merci, ça me touche tu sais…
Mar 04, 2014 @ 23:42:40
La photo m’a prise aux tripes. Je ne sais pas vraiment comment ou pourquoi. Le texte y est aussi surement pour quelque chose me rappelant ce jeune homme dans un restaurant où il m’a bien fallu 5 bonnes secondes pour reprendre mes esprits.
Mar 08, 2014 @ 11:46:04
Etrange ce genre de situation. La première fois et la seconde, mes émotions ont été en tous points différentes.
Merci pour ton petit mot <3
Mar 08, 2014 @ 12:28:19
Très touchant, je cherche écho en moi. Je vis plutôt ces visages croisés ici ou là non comme du passé de retour mais comme une sorte de souvenir du futur. Mais c’est le même sentiment, je pense…
Mar 11, 2014 @ 23:14:17
Merci… « Souvenir du futur », j’aime cette formule. Je la retiens.
Bises
Mar 16, 2014 @ 00:48:40
Ce texte est tout simplement sublime, tout en délicatesse. J’aime beaucoup ta façon d’écrire. j’ai feuilleté d’autres pages de ton blog et oui tu as un truc, un don rare, celui de faire transparaître ta sensibilité dans tes mots. Je reviens demain pour dévorer ton blog. Très Très jolie découverte.
Nanouchka
ps : j’adore ta robe « moutarde »
Mar 23, 2014 @ 13:13:36
Oh merci <3 Je suis si heureuse que mes textes te parlent... C'est la plus jolie chose que l'on pouvait me dire. Je t'en remercie, vraiment.
Bises