A l’aube, cueillir l’essentiel
Août, Nice, Mercredi,
On s’est levés avec l’aube, la chambre endormie. Dans l’obscurité laissée à ceux dormant encore, on a enfilé jean, coton et pulls légers et gagné le couloir pour nous retrouver. En silence, on a quitté le bâtiment, traversé la route courte et pourtant emmêlée dans trois sens de circulation alternés. Après les immeubles, le bitume, les barrières blanches, les escaliers en pierre, ça y est sous nos pieds il y avait le relief dur et rond des galets, le bruit aigu et sec d’eux entrechoqués à chaque pas posé. On a gagné l’avancée – les rochers comme posés sur l’eau entre noir et violine – sauté de l’un à l’autre jusqu’à ce tout au bord et on s’est assis face à la mer, l’horizon voilé de brume. On a regardé le ciel lentement éclaircir et les pêcheurs presqu’au loin lâcher l’ancre. On a regardé la lisière entre montagne et ciel s’éclaircir, rosir et devenir de plus en plus brillante à mesure des minutes lentes. On l’a découverte irrégulière dans son tracé, mouchetée, piquée, du dessin formé par branchages et feuillages noirs des pins et cyprès plantés tout là-haut dans la terre aride des sommets du sud.
Assise, tout au bord, j’ai touché du doigt la difficulté de la lenteur, ce malaise éprouvé tout au creux lorsque soudain le manège s’arrête de tourner, lorsqu’il n’est plus de gestes et de cases à cocher, d’actions à mener pour échapper à la presse invisible. J’ai ressenti la hâte, la hâte de bouger, marcher, partir, avancer. Je me suis dit tout bas « c’est bon, j’ai vu » et mes pieds se sont mis à danser, le reste du corps toujours immobile. Et puis, alors que commençait à poindre la déception face à cet instant que j’avais attendu et maintenant arrivé que je ne savais savourer, le soleil a quitté l’ombre de la montagne et d’un seul coup, c’était maintenant.
Il m’a fallu ce matin-là après milles autres expériences de ce type-là pour toucher du doigt à cette intuition-là : l’essentiel, l’important est immobile. Et il est difficile. Il est difficile pour nous qui avons – un peu – perdu l’habitude du silence retrouvé, nous qui courons tant le faire que l’être oublié fini par nous faire peur de ce que l’on pourrait y trouver. C’est inconfortable de se retrouver seul à seul face au ciel comme immobile, sans rien pour nous distraire de notre vérité. C’est inconfortable de s’asseoir chaque matin comme chaque soir pour respirer, rien que respirer. Si inconfortable qu’il y a toujours mieux à Faire, toujours plus urgent, toujours plus « important ».
Et en ce début d’année qui me promet les plus grands défis – les nuits grignotées de pages noircies, les classements lundis-jeudis, le coude à coude attablé nous tous assis pour préparer la course presqu’ultime de demain – revenir à l’important, le définir, l’écrire sur le papier – noir sur blanc – me semble être l’infime chance, l’ancre, pour toujours retrouver mon chemin. Pour ne pas brader l’important aux broutilles – ces moulins à vent que l’on chasse éperdument – pour ne pas m’oublier en chemin comme il est si facile, si tentant de le faire « une chose après l’autre et moi demain » je réfléchis depuis quelques jours à mes importants. Dedans mêlés se trouvent l’amoureux tout devant – les moments partagés, la douceur du quotidien à protéger du mieux que je peux des affres de la pression, de la peur, de la tension – l’écriture presque tout à côté et vous qui partagez ce quotidien raconté depuis tant d’années, le temps précieux, celui donné de soi à soi – le temps de méditer, de bouger, d’aller au moins une fois par sept jours me nourrir de la bienveillance de ma prof de yoga qui me fait oublier dans la justesse simple de ce qu’elle nous dit de la vie combien il est douloureux de dérouiller mon corps, le temps de mettre beaucoup d’amour dans les petits plats du quotidien, le temps d’assimiler tout ce qui est à apprendre et comprendre, à mon rythme, pour ne pas perdre la flamme vacillante de l’envie d’apprendre.
J’espère cette année savoir me donner le temps de cueillir l’essentiel, de ne pas brader à l’urgence l’important.
À ces photos se sont mêlées celles prises à travers le hublot dans l’avion-retour. Il y avait de la magie ce matin-là, une magie qui s’est distillée tout au long de cette journée qui a vu un petit déjeuner en famille partagé, des confidences et un thé, des produits de beauté échangés, de délicieux plats coréens et un dessert tout léger, une robe en dentelle bordeaux et une course pour attraper train et metro. Il y a des jours comme ça, où le sourire ne vous quitte pas.
Sep 07, 2015 @ 09:16:59
Quel plaisir de commencer la semaine avec ton texte, si juste. Je suis la première à courir pour faire les choses et à « brader d’important aux broutilles » comme tu le dis si bien. Je vais m’atteler à ma liste des essentiels, et te remercier pour ce rappel nécessaire :)
Sep 07, 2015 @ 16:08:28
Je suis heureuse que mon article ait été ce petit coup de pouce pour toi ! C’est le plus beau des compliments ça, merci <3
Et si tu la publies, cela me ferais plaisir de lire ta liste des essentiels, n'hésite pas à m'envoyer un petit lien :)
A bientôt !
Sep 07, 2015 @ 09:23:45
Tes photos sont superbes! Et ce texte!
C’est vrai que ce n’est pas simple d’être juste là, et juste d’être. Mais quand on touche cet état même du bout du doigt, même le temps d’un battement de cil… Qu’est-ce que c’est bien… Et c’est à ce moment là que l’on se rend compte que la vie est belle. Oui.
Sep 07, 2015 @ 16:07:03
Je n’aurais pas mieux dit ! Merci pour ton petit mot Alexandra, c’est tout doux de se retrouver ainsi dans les mots d’autrui (je le disais ce matin sur Instagram et je le confirme) <3
A bientôt !
Sep 07, 2015 @ 16:39:25
Apprendre la lenteur et la patience dans notre monde qui s’emballe, c’est l’un des plus beaux cadeaux que l’on puisse se faire, je crois. C’est un sentiment que je ne retrouve quand dans la peinture, ma forme de méditation, et elle m’est précieuse.
Tu écris magnifiquement ces instants un peu hors du temps, à te lire, je suis transportée, loin loin, hors de mon bureau triste. Ta plume est lumineuse, merci.
Sep 18, 2015 @ 23:00:17
Merci Cécile, ton mot me touche beaucoup <3 Je n'aurais pas mieux dit que toi de la valeur de ce cadeau-là <3
Même s'il est difficile de tous les jours respecter cet engagement, c'est déjà un premier pas d'essayer, un peu chaque jour <3
A bientôt !
Sep 08, 2015 @ 22:53:35
Quelle plume ;) toujours un plaisir de naviguer sur tes mots, bercée par les émotions.
Oui vivre chaque moment sans se perdre dans l’urgence qui n’en sera déjà plus une d’ici 1 jours. Bref l’urgence de vivre maintenant.
Belle rentrée à toi et pleins de beaux moments !
Sep 18, 2015 @ 22:56:56
Merci Olivia pour ce mot si gentil <3 Je suis heureuse qu'ils aient pu toucher une petite part de ta réalité :)
A bientôt et très belle rentrée à toi aussi :)
Un invincible été » Ailleurs sur le web #3
Sep 14, 2015 @ 09:37:56
[…] rentrée c’est souvent aussi l’occasion de faire un point sur ce qui est essentiel. C’est ce que fait Célie, et ça m’a beaucoup fait réfléchir. Qu’est-ce qui, pour vous, est essentiel dans votre vie ? Pas si facile de répondre à cette […]
Sep 14, 2015 @ 21:46:11
Je découvre avec plaisir ton blog et ta belle écriture. Cet article reflète exactement ce que je ressens en ce moment. Merci d’avoir décrit cette sensation avec des mots si justes. Emeline
Sep 16, 2015 @ 21:48:44
Bienvenue Emeline ! Merci pour ce petit mot si gentil, il me touche énormément. Savoir que mes mots ont recouvert une partie d’expérience, d’existence, est le plus beau des compliments. Merci <3
A bientôt !
Sep 16, 2015 @ 14:17:47
J’ai lu ce texte à sa publication et je le relis aujourd’hui en cette journée pluvieuse et cette douceur fait du bien. Tu remets les pendules à l’heure comme on dit, mais gentiment, doucement. De belles questions à se poser finalement; pourquoi court-on ? qu’est ce qui nous est essentiel ? qu’est ce que l’essentiel?. Bises
Sep 16, 2015 @ 21:36:10
Je suis heureuse qu’il ait pu un peu éclairer ta journée et peut-être remettre chaque chose sur la voie de sa juste place en toi et pour ta vie :) Il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour imposer notre essentiel face à la presse extérieure, qui d’autre que nous – après tout – vis notre vie sinon nous ?
A bientôt :)
Sep 27, 2015 @ 11:11:51
De magnifiques photos !!
Il faut profiter des choses importantes pour nous !!!!
Sep 27, 2015 @ 11:55:16
Je ne pourrais dire mieux !
Merci pour ton petit mot et à bientôt !
Nov 05, 2015 @ 10:35:37
Ces photos sont magnifiques, la douceur du levé de soleil donne envie de sourire toute la journée, belle journée à toi
Nov 06, 2015 @ 08:10:05
Belle journée à toi aussi !
A bientôt !